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chronique du 5 novembre 2010

 

Yahvé ou Baal ? Le cas d’Élie

QuestionPourquoi les Israélites adorent-ils d’autres dieux que Yahvé?

RéponseUne des choses qui surprennent le plus le lecteur moderne de l’Ancien Testament, c’est l’habitude tenace des Israélites d’adorer d’autres dieux que Yahvé. Il s’agit d’un comportement qui est attesté un peu partout dans l’Ancien Testament. Au IXe siècle par exemple, à l’époque du prophète Élie, les Israélites adoraient en plus de Yahvé un des dieux phéniciens, Baal, un dieu associé à la pluie et à la fertilité. Les Israélites étaient tentés d’adorer Baal non seulement à cause de l’alliance qu’ils avaient avec les Phéniciens, mais aussi parce que l’adoration d’un dieu qui accorde la pluie et la fertilité ne « pouvait pas faire de tort » aux récoltes. En effet, les dieux de l’Antiquité étaient des dieux « spécialistes » qui s’occupaient chacun d’un domaine particulier. En cas de problème, on devait faire appel au dieu approprié, celui qui avait juridiction sur ce problème. Or, les Israélites percevaient surtout Yahvé comme le dieu spécialiste de la délivrance, le dieu de la sortie d’Égypte. C’est même souvent comme ça qu’il est désigné : « Voici ton Dieu qui t’a fait monter du pays d’Égypte » (Ex 32,4; 1 R 12,28; voir aussi Jr 2,6; 31,32; etc.). Pour les récoltes, on pensait souvent qu’il valait mieux faire appel à Baal.

Élie     1 R 17 raconte que le prophète Élie annonce (et même provoque) une sécheresse sur Israël. Élie affirme que la fin de la sécheresse n’aura lieu qu’à sa parole. Élie ne fait pas que prédire le malheur et il n’envoie pas la sécheresse simplement pour punir les Israélites de leur infidélité envers Yahvé. Sa prophétie a pour but d’enseigner les Israélites : alors que ceux-ci croient que Baal envoie la pluie et bénit les récoltes, la sécheresse démontre l’impuissance de Baal et la puissance de Yahvé, qui est celui qui a juridiction sur la pluie et celui qui donne aux Israélites ce dont ils ont besoin. On aura beau adorer Baal pendant tout ce temps de sécheresse : la pluie ne tombera pas. Il s’agit donc d’une démonstration pratique.

     Puis la parole de Yahvé est adressée à Élie et Yahvé demande à Élie de quitter le pays et d’aller se cacher au torrent de Kerit, où Yahvé va nourrir Élie par l’entremise de corbeaux. Le texte raconte que c’est Yahvé qui pourvoit aux besoins d’Élie, et que c’est celui qui se soumet à Yahvé qui peut recevoir la nourriture, alors que ceux qui adorent Baal en Israël subissent la sécheresse et la famine. En plus de l’eau du torrent, Yahvé donne à Élie du pain le matin et de la viande le soir, exactement comme Yahvé a nourri le peuple au désert durant l’Exode en leur donnant du pain le matin et de la viande le soir (Ex 16,8.12).

     Lorsque les eaux du torrent Kerit tarissent, la parole de Yahvé est de nouveau adressée à Élie et Yahvé demande à Élie d’aller près de Sidon, chez les Phéniciens. Là-bas, Yahvé va pourvoir aux besoins d’Élie par l’entremise d’une veuve. Or, la veuve subit elle aussi la sécheresse et elle n’a presque plus rien à manger. Mais selon la parole de Yahvé, la cruche d’huile ne se vide pas et la jarre de farine ne s’épuise pas. Ce miracle rappelle aussi celui de la manne dans le désert (Ex 16). Par ces deux références à l’Exode, le livre des Rois nous rappelle que Yahvé, le Dieu de la sortie d’Égypte, le Dieu de la délivrance, est aussi le Dieu qui a pourvu aux besoins du peuple (notamment en nourriture et en eau) dans le désert. Il ne doit donc pas être réduit à sa « spécialité », la délivrance.

     La parole de Yahvé, mentionnée à plusieurs reprises dans le texte (17,1.2.8.14.16), annonce la prospérité. Après la résurrection de son fils par Élie, la veuve reconnaît la valeur de la parole de Yahvé et dit : « maintenant je sais que tu es un homme de Dieu et que la parole de Yahvé dans ta bouche est vérité » (v. 24). C’est donc une veuve phénicienne qui reconnaît la validité du ministère prophétique d’Élie et la véracité de sa parole, donc que Yahvé pourvoit à ses besoins quotidiens, alors que le peuple d’Israël, qui a une alliance avec Yahvé, adore Baal, un dieu phénicien, pour ses besoins quotidiens (la fertilité). Quelle ironie!

Marc Paré

Suite de l'article :
Yahvé, Dieu de la délivrance ou du quotidien ?

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Animaux purs ou impurs : comment s’y retrouver?