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chronique du 22 décembre 2006
 

Noël à Jérusalem

Comment est-il possible d’assister à une messe de minuit à Bethléem et une autre à Jérusalem, les deux messes ayant lieu le 25 décembre et débutant précisément à minuit la nuit de Noël? C’est simple : en suivant deux calendriers différents.
 

messe de minuit

Messe de minuit orthodoxe grecque au Saint-Sépulcre... le 7 janvier.
(photo : C. Boyer)

     En gros, Noël est fêté le 25 décembre par l’ensemble des chrétiens, mais puisque tous les chrétiens n’utilisent pas le même calendrier, ce « 25 décembre » tombe à des jours différents. Tous les chrétiens ne fêtent donc pas Noël en même temps. C’est ainsi que j’ai eu l’occasion d’assister à une messe de minuit orthodoxe ayant lieu dans le Saint-Sépulcre à Jérusalem deux semaines après celle, catholique, à laquelle j’ai assisté dans l’église de la Nativité à Bethléem.

     Le calendrier utilisé aujourd’hui au niveau international et qui a été adopté par une majorité de pays est le calendrier « grégorien », du nom du pape, Grégoire XIII, qui l’a institué au XVIe siècle. Les catholiques, les protestants et presque tous les orthodoxes ont adopté ce calendrier. Mais ce n’est pas le cas de certaines Églises orthodoxes qui, pour établir les jours de fêtes, continuent encore à utiliser un très vieux calendrier, celui mis au point par Jules César, le calendrier « julien ». Or ce calendrier accuse 13 jours de retard par rapport au calendrier grégorien. Ainsi, le 25 décembre du calendrier julien a lieu 13 jours après le 25 décembre du calendrier grégorien. Les chrétiens de ces Églises orthodoxes fêtent donc Noël le 6 ou le 7 janvier selon le calendrier grégorien.

     Et au risque de compliquer tout ça encore un peu, il faut mentionner une petite exception : les chrétiens orthodoxes arméniens — mais seulement ceux qui vivent à Jérusalem — fêtent Noël non pas le 25 décembre de l’un ou l’autre calendrier, mais le 6 janvier du calendrier... julien! Ce qui fait que ces chrétiens, selon notre calendrier (grégorien), fêtent Noël... le 19 janvier!
 

patriarche

Le Patriarche grec orthodoxe de Jérusalem assistant à la messe de minuit.
Notons en passant que les Grecs parlent de « liturgie divine » plutôt que de « messe ».
(photo : C. Boyer)

     Mais au delà des différents calendriers, que sait-on de la date de naissance de Jésus? Pour ce qui est du jour de l’année, on peut dire qu’il y a à peu près une chance sur 365 que Jésus soit né un 25 décembre... Le Nouveau Testament ne mentionne pas la date de la naissance de Jésus, et sans doute les premiers chrétiens ne la connaissaient-ils même pas. Chose certaine, ils ne la fêtaient pas. Et il ne faudrait pas trop s’en étonner; ce qui était réellement significatif et ce qui était vraiment important de commémorer, selon eux, c’était la mort et résurrection de Jésus, et non sa naissance.

     Les récits que nous ont laissés les évangélistes de la naissance de Jésus nous renseignent beaucoup sur l’interprétation de la personne de Jésus par les premiers chrétiens et les symboles utilisés pour exprimer leur foi au Christ. Mais on aurait beau essayer de faire parler les bergers du récit de Luc, les mages du récit de Mathieu ou d’identifier la fameuse étoile de Bethléem, rien ne permet de préciser le jour de la naissance de Jésus. Lorsque, environ trois siècles après sa naissance, le 25 décembre a été choisi comme date officielle, ce n’est pas en fonction de considérations d’ordre historique; il s’agissait de rivaliser avec certains cultes païens, notamment celui de Mithra, un dieu d’origine perse associé à la lumière et au soleil et qu’on fêtait au solstice d’hiver. Au niveau symbolique, c’était bien joué; Jésus n’est-il pas présenté, dans l’évangile de Jean comme « la lumière du monde » (Jn 8,12; 9,5)?
 

liturgie de la lumière

Quelques minutes avant que ne débute la messe de minuit grecque orthodoxe,
des fidèles allument des bougies symbolisant la fin des ténèbres et l’entrée de la lumière dans le monde.
(photo : C. Boyer)

     Si en histoire on parle d’événements ayant lieu « avant Jésus-Christ » ou « après Jésus-Christ », c’est que l’année de référence qui a été choisie est celle de la naissance de Jésus. La décision de compter les années à partir de cette date ne s’est évidemment pas prise le jour même de la naissance de Jésus, pas non plus au cours de sa vie, ni même lors des premières générations de chrétiens. À ses débuts le mouvement chrétien n’était qu’une branche marginale et minoritaire du judaïsme et la date de naissance de son fondateur n’intéressait personne, pas même les chrétiens comme on l’a dit plus haut.

     La date de la naissance de Jésus comme point de repère fixe à partir duquel on a recommencé à compter les années n’a été établie qu’environ 500 ans plus tard et s’est ensuite imposée progressivement en Occident puis dans le reste du monde. Celui qui, au VIe siècle, a établi l’an 1 du calendrier est un moine nommé Denys le Petit. Il pourrait bien s’être trompé dans ses calculs, les indications de l’évangile de Luc selon lesquelles en « l’an quinze du principat de Tibère César » (correspondant à l’an 28/29 de notre ère) Jésus avait « environ trente ans » (Lc 3,1.23) l’ayant conduit à fixer le début de l’ère chrétienne quelques années trop tard. Résultat : historiquement, Jésus serait né vers l’an 5 ou l’an 6... avant Jésus-Christ.
 

diacre grec

Diacre grec orthodoxe lors de la messe de minuit. Celle-ci est dite en grec,
langue dans laquelle le Nouveau Testament a été rédigé.
(photo : C. Boyer)

     En fait, les sources ne permettent pas de fixer avec précision la date de la naissance de Jésus et si les dates proposées par les historiens sont plausibles, elles restent hypothétiques. Voyons rapidement quelques éléments du dossier. Selon Mt, c’est clair : Jésus est né à l’époque du roi Hérode, et son récit de l’enfance de Jésus suppose que Hérode soit encore en vie alors que Jésus a moins de deux ans (Mt 2,16). Hérode étant mort en 4 avant l’ère chrétienne, Jésus doit donc être né une ou deux années avant cette date, soit vers l’an 5 ou l’an 6 avant notre ère. Un des problèmes est que les données de l’évangile de Luc ne coïncident pas bien avec celles de Matthieu. Luc mentionne qu’à l’époque de la naissance de Jésus eut lieu un recensement alors que Quirinius était gouverneur de Syrie (Lc 2,1-2); or si on se fie à Flavius Josèphe, Quirinius n’occupa cette fonction qu’à partir de l’an 6... de notre ère. Luc pourrait bien ici avoir fait ici un anachronisme. Mais le fait qu’il mentionne le roi Hérode (Lc 1,5), indépendamment de Matthieu, pourrait indiquer que l’idée selon laquelle Jésus est né vers la fin du règne du roi Hérode serait une donnée archaïque de la tradition chrétienne. Jésus serait donc né un peu avant l’an -4.
 

couché de soleil sur Jérusalem

Le soleil se couchant sur Jérusalem, un soir de décembre.
(photo : C. Boyer)

Chrystian Boyer

Article précédent :
Avant d’arriver à Jéricho

 

 

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