Sculpture évoquant le serpent de bronze (photos : Marie-Armelle Beaulieu)

Goûter l’entrée en Terre promise avec Moïse

Claire BurkelClaire Burkel | 16 avril 2018

L’avion a atterri à Amman, capitale de la Jordanie. À moins d’une heure de là Madaba, sa fameuse mosaïque et une dizaine de kilomètres plus loin : le mémorial de Moïse au mont Nébo. Le choc souvent de contempler pour la première fois le désert en compagnie du prophète qui n’entra pas dans la Terre promise mais qu’il put voir de ces pentes des monts de Moab.

Il n’est pas de pèlerinage qui monte au mont Nébo depuis Jéricho et la plaine du Jourdain. Que l’on ait fait le voyage depuis l’Égypte et le Sinaï, dans un parcours « très Exode » autour de Moïse et Josué, ou seulement en Jordanie à se perdre dans les superbes étendues du wadi Rumm, les canyons du désert et la cité aux multiples couleurs de Pétra, on se trouve au mont Nébo pour en descendre et gagner la plaine qui part ensuite vers la Palestine.

sculpture de Moïse

Dans l’allée qui monte vers le sanctuaire, une sculpture contemporaine représente Moïse.

C’est le moment d’évoquer Moïse à la fin de sa longue vie, 120 ans d’après Dt 34,7 et « son œil n’était pas éteint ni sa vigueur épuisée ». Manière de dire que ce n’est pas par manque de forces qu’il ne parvient pas dans la Terre promise, mais parce que Dieu met là un point d’arrêt à sa présence en tête du peuple. C’est un autre que lui, Josué fils de Noun, donc d’un autre clan, qui conduira le peuple à travers le Jourdain pour prendre possession du pays où coulent le lait et le miel.

mont Nébo

Le mont Nébo est un point de vue, le plus beau que l’on puisse avoir sur cette plaine profonde, à moins 350 m en dessous du niveau de la mer, sachant que sur la montagne on est à 820 m d’altitude! Point de vue choisi par Dieu lui-même pour donner à son fidèle serviteur la récompense de toute sa vie. De ce belvédère on parvient, par temps clair, à embrasser toute la vallée, l’arrondi nord de la mer Morte, l’oasis de Jéricho, la ville des palmiers, les monts semi-désertiques de Judée jusqu’au flanc est du mont des Oliviers et le ruban brillant du fleuve enserré dans ses roselières depuis la lointaine Galilée au nord. Voilà ce qu’a vu Moïse de son œil encore vif. Le pèlerin d’aujourd’hui distingue face à lui les trois clochers du mont des Oliviers à Jérusalem et le sommet de l’Hérodium au sud ouest de Bethléem. Il bénéficie de ce large horizon avant de traverser, lui aussi, le fleuve-frontière dont le nom en hébreu, yarden, signifie « celui qui descend ». Il sourd en effet depuis les 2800 m de l’Hermon pour se perdre dans la mer « qui ne rend rien » à moins 400 m sous le niveau normal des mers.

Dernière halte pour Moïse

Une source pérenne porte le nom de ayoun Mousa – source de Moïse en arabe – et forme un petit wadi qui se jette dans la mer Morte à proximité de l’embouchure du Jourdain.
La pèlerine Égérie, du IVe siècle, commentait : « Voici l’eau dont Moïse fit don aux fils d’Israël dans ce désert. » Il n’est jamais écrit que Moïse fit jaillir ici une source, mais c’est un rappel du miracle de l’eau dans le profond désert du Sinaï (Ex 17,1-7 ; Nb 20,1-11). Les premiers pèlerins des siècles byzantins, en effet, avaient fixé au plus près de leurs propres trajets certains épisodes de l’histoire biblique plutôt que d’aller les chercher dans des contrées trop éloignées. Ainsi se formèrent les pèlerinages.

Le mont Nébo est un point d’arrivée. Le peuple, qui a passé 40 ans au désert, est longuement remonté du pays d’Édom à l’est de la mer Morte, puis à travers les steppes de Moab et va enfin entrer dans le pays où lui sera donné de quoi vivre. Ici au sommet, il fait halte et Moïse, averti de sa mort prochaine, bénit vigoureusement chacune des tribus. Arrêtons-nous aussi pour lire, face à la plaine, les quatre chapitres qui concluent le Deutéronome (Dt 31-34) : témoignage de foi du vieil homme et d’espérance pour les fils d’Israël.

Trois mentions dans le livre des Nombres indiquent que les fils de Ruben et de Gad s’installèrent dans la région orientale, ne traversant pas le Jourdain comme les autres, car les pâturages de ce côté-ci leur paraissaient « propices à l’élevage » (voir Nb 32,3.38 et 33,47). Ces textes tardifs permettent de justifier les établissements outre-Jourdain des clans israélites. Dans l’Histoire il est arrivé en effet qu’Israël « déborde » dans les régions transjordanes : Moab et Édom. Le Premier livre des Chroniques confirme à l’époque perse la présence des clans de Ruben sur ces monts, « à Aroër, jusqu’au Nébo et Baal Méon » (1 Ch 5,8).

mont Nébo

Au mont Nébo sont associés les autres sommets moabites, Dibôn et Beth Méon lorsque ces régions du centre de la Transjordanie sont dévastées par les envahisseurs assyriens : Is 15,2, Jr 48,1.22. C’est le lieu de la plainte lorsque « l’orgueil de Moab » est abattu.

Le mont Nébo est un point de départ et ne peut être qu’une halte. Notre groupe de pèlerins est remonté lui aussi du sud, ou venu directement d’Amman plus au nord. Il se tient là, admire la vallée et prend le temps de prier dans l’église byzantine édifiée pour commémorer précisément les adieux de Moïse et la dernière étape du peuple au bout de sa liberté.

Claire Burkel est professeure d’Écriture sainte à l’École cathédrale de Paris.

Source : Terre Sainte magazine 648 (2017) 12-15 (reproduit avec autorisation).

Caravane

Caravane

Initiée par Chrystian Boyer, cette chronique a été ensuite partagée par plusieurs chroniqueurs. Messieurs Boyer et Doane livrent leur carnet de voyage en Terre Sainte. Ensuite, une série d’articles met en scène un personnage fictif du premier siècle qui raconte ses voyages dans les villes où saint Paul a entrepris ses voyages missionnaires. Et plus récemment, la rubrique est alimentée grâce à une collaboration de Terre Sainte magazine.

Petit portrait de Moïse pour méditer sur le mont Nébo

Homme de prière jusqu’à l’extase, obéissant à Dieu et totalement dévoué au peuple, et cependant figure mystérieuse, d’origine non-définie et sans descendance.

« L’homme le plus humble que la terre ait porté… Toute ma maison lui est confiée, je lui parle face à face, dans l’évidence, non en énigmes », dit le Seigneur. (Nb 12,3-8)

Lorsque Moïse parlait avec Dieu « la peau de son visage rayonnait » et lorsque Moïse parlait aux Israélites après avoir dialogué avec Dieu, « les Israélites voyaient son visage rayonner. » (Ex 34,29-35)

Celui qui entraîne et guide le peuple vers la terre promise dit de lui-même : « Je suis un immigré en terre étrangère. » (Ex 2,22)

Pour leurs grandes fautes Dieu « parlait de les supprimer, si ce n’est que Moïse son élu se tint sur la brèche devant lui pour détourner son courroux. » (Ps 106,23)

« Par un prophète le Seigneur fit monter Israël d’Égypte et par un prophète il fut gardé. » (Os 12,14)

« Un homme de bien qui trouva faveur aux yeux de tout le monde, bien-aimé de Dieu et des hommes, Moïse dont la mémoire est en bénédiction… Dans la fidélité et la douceur il le sanctifia, il le choisit parmi tous les vivants… il lui donna face à face ses commandements, une loi de vie et d’intelligence… » (Si 45,1-5)

Le Mont Nébo dans la Bible

Pour aller plus loin avec la Bible, lire les références bibliques des textes parlant du mont Nébo : Nb 32,3.38 ; 33,47 ; Dt 32,49 ; 34,1 ; 1 Ch 5,8.