Commencement de la Bonne Nouvelle
La prédication de Jean le Baptiseur : Marc 1, 1-18
Autres lectures : Isaïe 40, 1-5.9-11 ; Psaume 84(85) ; 2 Pierre 3, 8-14
Avant d’être un écrit, l’évangile est d’abord un événement. Non pas un fait divers mais un événement heureux et de grande portée pour la vie de ceux et celles à qui il est annoncé, par exemple : une victoire militaire, la libération des prisonniers, la venue du roi dans une province de son royaume. Dans le Nouveau Testament, le seul événement appelé évangile ou bonne nouvelle est la venue dans le monde de Jésus, Christ, le Fils de Dieu (Marc 1,1).
La Bonne Nouvelle est d’abord une personne, et en lien avec cette personne, ses faits et gestes, son enseignement, les principaux événements de sa vie et, enfin, l’annonce qui en est faite, oralement, puis par écrit. Lorsque Marc intitule son ouvrage Commencement de la Bonne Nouvelle (Mc 1,1) il pense sans doute en premier lieu à l’entrée de Jésus dans la vie publique (il ne transmet rien concernant la naissance et l’enfance de Jésus); cet événement avait été annoncé de manière lointaine par Isaïe (vv. 2-3) et plus immédiatement par Jean le Baptiste (v. 4).
Attention! Travaux routiers
Pour illustrer visuellement le début de l’évangile, on pourrait utiliser un de ces panneaux orange qui annoncent la proximité d’un chantier de voirie. Marc présente comme une citation d’Isaïe (v. 2) ce qui, en fait, est une mosaïque de Exode 23, 20; Malachie 3,1 et Isaïe 40, 3. Ces textes proviennent de contextes différents. Malgré des contacts verbaux assez évidents leur signification d’origine n’est pas la même; leur association produit un texte nouveau et complexe. Deux thèmes se dégagent : le messager et la route.
Voici que j’envoie mon messager devant toi pour préparer ta route (v. 2). Le contexte de l’évangile ne permet pas d’identifier celui qui parle; cependant, dans les deux textes de base (Ex 23, 20 et Ml 3, 1), il s’agit de Dieu. On peut raisonnablement supposer qu’il en va de même dans le texte de Marc. Il est plus difficile de savoir à qui Dieu s’adresse. Est-ce à Jésus, nommé au verset précédent (v. 1)? Ou à Jean Baptiste qui entrera en scène au v. 4 ? Dans les textes de base le messager est envoyé au peuple d’Israël soit pour l’accompagner dans sa marche à travers le désert (Ex 23,20), soit pour le préparer à rencontrer Dieu lors de sa manifestation (Ml 3, 1). C’est probablement le cas ici aussi. Israël doit marcher à la rencontre du Seigneur qui vient pour le sauver. Le messager est envoyé pour rendre possible cette rencontre.
Voix de celui qui crie dans le désert … (v. 3). Le décor change. Nous sommes au désert. Un crieur anonyme s’adresse à un auditoire non identifié, lui enjoignant de préparer un chemin pour le Seigneur. Les destinataires doivent être, ici aussi, les membres du peuple d’Israël; cependant, le mouvement est inversé. C’est Dieu qui vient vers eux et ils doivent préparer cette venue. En somme Marc conçoit l’avènement de Jésus Christ, le Fils de Dieu (cf. v. 1), comme la rencontre de deux cortèges, celui du peuple qui se met en route, accompagné par le messager de Dieu et celui de Dieu qui s’avance sur un chemin préalablement aplani. Ces images servent à introduire un nouveau personnage.
Et Jean le Baptiste parut dans le désert... (v. 4)
Le personnage de Jean est enveloppé de mystère. Tout ce que Marc semble savoir à son sujet concerne son costume spécial et son régime alimentaire particulièrement frugal (v. 6). On apprendra plus loin qu’il avait des disciples avec lesquels il pratiquait le jeûne (Mc 2, 18) et qu’il fut exécuté par ordre de Hérode Antipas (Mc 6, 17-29). La composition de Marc amène le lecteur à voir en ce personnage surgi de nulle part le messager annoncé; le fait qu’il exerce une fonction de prédication quelque part au désert l’identifie aussi au crieur qui interpelle le peuple.
Le baptême dont Jean fait la promotion n’est pas expliqué ni décrit. On semble présumer qu’il s’agit d’une réalité connue. Au-delà de sa forme extérieure, Marc souligne le sens du rite : la conversion pour le pardon des péchés (v. 4). Puisque Jean est le messager de Dieu, son activité doit correspondre à la mission de ce messager. Il devient clair que les préparatifs annoncés aux vv. 2-3 sont d’ordre spirituel. La rencontre avec Dieu présuppose, non des travaux d’embellissement extérieurs mais un changement intérieur, une réconciliation en profondeur pour faire place à sa venue.
Lui vous baptisera dans l'Esprit Saint (v. 8)
Pour bien comprendre cette formule il faut revenir au sens premier du verbe « baptiser » : qui signifie : plonger, immerger. Notre manière de célébrer le baptême dans l’Église de rite latin est pratique mais elle ne permet pas toujours de voir clairement le sens du rite. Jean annonce que la plongée dans l’eau du Jourdain n’est qu’une étape préliminaire, une anticipation d’une véritable immersion dans l’Esprit de Dieu. Elle sera l’œuvre d’un autre personnage, encore à venir. Pour le lecteur chrétien, il va de soi que ce plus puissant devant qui Jean ne se sent pas digne de se courber pour détacher la courroie de ses sandales (v. 7) ne peut être que Jésus. Jean reconnaît le caractère transitoire de sa mission; il s’identifie au messager envoyé pour préparer la route devant le Seigneur (cf. vv. 2-3).
Sur le plan historique, la prédication de Jean a précédé de peu l’entrée de Jésus dans la vie publique. Lu dans le cadre liturgique de l’Avent, ce texte vient interpeller de nouveau les chrétiens : quelles conversions devons-nous vivre pour marcher à la rencontre du Seigneur ? Qu’est-ce que cela signifie aujourd’hui « être plongé dans l’Esprit Saint »? Sommes-nous vraiment en attente de la venue du Seigneur et de son Royaume?
Voici le Seigneur Dieu
Isaïe 40, 1-5.9-11
Les circonstances historiques de la composition de la deuxième partie du livre d’Isaïe (ch. 40-55) sont assez bien connues. En 538 A.C. Cyrus roi des Perses et vainqueur de Babylone autorise les exilés, autrefois déportés par les Babyloniens, à retourner dans leur pays d’origine. Cette initiative d’un roi païen apparut aux Juifs comme le signe décisif que Yahvé n’avait pas été vaincu par les dieux de Babylone et qu’il n’avait pas abandonné son peuple. Le retour en Terre Sainte – qui, au départ, n’a concerné que quelques centaines de personnes – est perçu comme un nouvel Exode, Dieu marchant à la tête de son peuple à travers le désert pour le guider vers sa patrie. Il s’agit d’une venue du Seigneur, une intervention déterminante dans l’histoire. Le prophète la célèbre avec enthousiasme; la nature elle-même sera transformée pour accueillir le salut (vv. 3-4).
La suite des événements allait se charger de refroidir l’ardeur des premiers Sionistes. Mais plutôt que d’oublier ce message plein de promesses encore non réalisées, on a relu et médité ces textes de génération en génération jusqu’à la venue ultime de Dieu dans l’humanité par le mystère de l’incarnation et, encore maintenant, jusqu’à leur plein accomplissement, lorsque le Royaume de Dieu sera définitivement établi.
Source: Le Feuillet biblique, no 2164. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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