Nicodème s’entretient avec Jésus. Henry Ossawa Tanner, 1899.
Huile sur toile, 85 x 99 cm. Académie des Beaux-Arts de Pennsylvanie, Philadelphie (Wikipédia).
« Je suis venu pour que vous ayez la vie »
En collaboration | 4e dimanche du Carême (B) – 10 mars 2024
Le fils médiateur : Jean 3, 14-21
Les lectures : 2 Chroniques 36, 14-16.19-23 ; Psaume 136 ; Éphésiens 2, 4-10
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.
Avec le récit de l’Évangile de Jean au chapitre 3, versets 14 à 21, nous entrons dans la quatrième étape de notre chemin de Carême 2024.
Tout comme le chemin du Carême, l’Évangile du jour nous entraîne dans un processus à bâtir : faire la vérité, ainsi la lumière apparait. Dévoiler l’injustice contrairement à ceux qui se cachent derrière des discours trompeurs.
Les communautés de l’évangéliste Jean
On rencontre dans les communautés de Jean de réels partisans de Jésus de Nazareth qui n’hésitent pas à livrer leur vie pour l’Évangile et le service des pauvres. On y rencontre aussi des personnes qui cherchent l’illumination, la connaissance par l’effort intellectuel et non par la pratique concrète de la Bonne nouvelle. Enfin, un certain nombre est sympathique au projet de Jésus, mais avec beaucoup de difficultés à assumer publiquement cette option. Nicodème fait partie de ce dernier groupe. C’est la réalité au temps de Jésus tout comme à l’époque des communautés de Jean.
Un Dieu qui ne plane pas au-dessus du monde
Jésus est celui qui est tout orienté vers Dieu pour tout apprendre de lui afin de donner sens à la création. Même si son projet ne cadre pas avec les visées du monde, il est élevé à la vue de tous et de toutes pour leur libération et en entraine d’autres avec lui. Il est visible pour qui veut le contempler et reconnaitre que sa mission demande fidélité au projet de Dieu en faveur de toute la création et nous amène une libération définitive. S’il est élevé, c’est aussi le signe que Dieu est descendu définitivement sur terre : il assume la condition des victimes, l’enfer vécu par les condamnés, le lent processus de mort des exclus et appauvris. Ce Dieu est tellement descendu — Il a planté sa tente parmi nous (Jean 1,14) — qu’il fut, à la fin, élevé sur le bois de l’arbre de Vie (Genèse 2,9). Puisque notre Dieu ne plane pas au-dessus du monde, l’appel de Jésus est que nous fassions partie du processus de libération pour entrainer d’autres citoyennes et citoyens à notre suite. Le Nazaréen n’est jamais la caution pour notre irresponsabilité ou notre désengagement : il ne court-circuite pas notre liberté et notre responsabilité.
Dieu envoie son fils dans le monde pour que, par lui, le monde soit libéré
Toute sa vie, Jésus de Nazareth n’aura de cesse de dénoncer les pouvoirs de corruption, d’exploitation des pauvres, de violence contre les femmes et les enfants, d’occupation militaire. Même ainsi, Dieu ne veut pas condamner le monde, mais par Jésus le libérer (Jean 3,17). Dieu veut nous conduire à la Vie : une orientation définitive à nos propres forces de vie. Le Dieu de Jésus refuse de prendre place sur le trône du juge, il est « riche en miséricordes » (deuxième lecture de notre célébration dominicale, Éphésiens 2,4a). Il prend plutôt la place de l’avocat de la défense.
Si la posture du monde en est une de radicalisation, de répression ou d’indifférence, de violence et de punition, la posture évangélique en est une de vérité, de fraternité et de dialogue les bras ouverts — sur la croix. C’est ainsi que Dieu envoie ses fils et ses filles dans le monde, ses messagers — prophètes (première lecture de notre célébration dominicale, 2 Chroniques 36,15-16b). Jésus enverra de la même manière ses disciples puisqu’ils/elles ont la même filiation. Nous avons donc un rôle actif dans le processus de libération : « Je ne te demande pas de les ôter du monde, mais de les garder du Mauvais. Comme tu m’as envoyé dans le monde, je les envoie dans le monde. » (Jean 17,15.18) « Ne vous conformez pas au monde présent, mais soyez transformés par le renouvellement de votre intelligence pour discerner quelle est la volonté de Dieu. » (Romains 12,2)
Croire
Faire confiance à Jésus, croire en lui : intégrer, accepter, adhérer, faire confiance à son projet qui est celui de Dieu. Oui, un autre monde est possible ! Croire à la dignité de toute personne humaine et à ses possibilités positives, croire au projet de solidarité et de partage, à l’engagement avec ceux et celles qui souffrent d’injustices. Faire barrage à l’individualisme et à l’isolement. C’est notre responsabilité de croire en une Présence qui nous accompagne.
« Qui ne croit pas est déjà jugé » (Jean 3,18)
Qui condamne ? Condamné à quoi ? Le choix de nos actions est conditionné par la sorte d’être humain que l’on veut devenir. La vie authentique est à la portée de tout être humain et ne dépend pas de systèmes religieux ou non. Notre authenticité ou notre condamnation est révélée à chaque moment de notre Histoire par nos orientations de vie. Mal orienté, on ne veut pas de lumière pour ne pas se voir tel que nous sommes : condamnés à poursuivre une vie d’esclave.
La lumière dérange toujours lorsqu’il est question de faire apparaitre la vérité : on la retrouve chez les prophétesses et prophètes assassinés par ceux qui n’en voulaient pas. Une vie d’authenticité fait surgir la lumière pour discerner plus clairement : elle se laisse dynamiser par un Dieu qui continue à libérer. L’option est la nôtre : se condamner au projet du monde (frustration, tristesse et « à quoi bon, il n’y a rien à faire ? ») ou se diriger vers la lumière pour que notre regard sur le monde devienne plus limpide. Échappent au jugement ceux et celles qui prennent la décision de faire la vérité ; sans ces citoyennes et citoyens, croyants ou non, chrétiens ou non, le salut annoncé par Jésus ne peut se réaliser.
Espérance et confiance en l’avenir sont présents lorsque nous acceptons l’invitation de Jésus de Nazareth en incarnant le projet de Dieu pour le bien-être du plus grand nombre.
Denis Plante pour la Commission engagement et foi du Mouvement des travailleuses et travailleurs chrétiens du Québec (MTC) : Serge Généreux, Pierre Prud’homme, Denis Plante, Marc Alarie, Louise Condrain.
Source : Le Feuillet biblique, no 2837. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.