Triduum pascal
Jeudi
saint
Les deux amis
Faites cela en mémoire de moi (1 Corinthiens 11,
24).
On raconte qu'un jour deux jeunes étrangers qui s'étaient
liés d'amitié, après avoir fait connaissance
par le réseau des correspondants, ont eu la chance de se
rencontrer durant leurs vacances d'été.
Luc, qui demeurait à la campagne,
dans un petit village, était l'hôte de Thomas qui venait
de France. Tout au cours des deux semaines qu'ils passèrent
ensemble, ils firent davantage connaissance. Ils s'étaient
dit bien des choses dans leurs lettres de correspondants, mais là,
en présence l'un de l'autre, la communication était
beaucoup plus facile et beaucoup plus profonde. Le temps passa très
rapidement.
Comme c'était déjà
la fin de l'été et que les vacances étaient
terminées, Thomas devait partir le lendemain. Pour leur dernière
activité, ils s'étaient réservé l'exploration
d'une grotte, ce qu'ils firent avec une certaine nostalgie puisque
c'était la fin d'une expérience extraordinaire pour
les deux.
Et voilà que, sur le chemin
de retour, en plein champ, ils se retrouvent devant un arbre fruitier
comme ils n'en avaient jamais vu d'aussi beau : un arbre sauvage,
aux branches débordant de beaux fruits. Ils regardèrent
pendant un bon moment les fruits, les branches bien garnies. Et
les yeux remplis d'une fierté et d'un émerveillement
qu'ils croyaient ressentir pour la première fois, ils se
mirent à rire si fort qu'on aurait pu les entendre de loin
tellement leur joie était grande. Ils décidèrent
donc d'y goûter. Les fruits étaient d'une saveur qu'on
ne pouvait pas nommer. Ils étaient tellement heureux de leur
découverte qu'ils en cueillirent pour tout le monde de la
maison.
Luc dit à Thomas : tu vois, tu
devras revenir l'an prochain pour manger de ces fruits. Thomas devint
tout triste au point que Luc se demandait qu'est-ce qu'il avait
bien pu dire pour que Thomas devienne si triste. Avant que Luc ne
le questionne, Thomas fixa son ami avec un regard chargé
de larmes qu'il ne pouvait retenir. Il commença à
lui dire : tu sais, j'avais un secret à te confier et je
ne voulais pas te le révéler avant de partir. J'aimerais
pouvoir revenir l'an prochain, j'ai passé des vacances formidables,
mais je suis victime d'une maladie qui m'emportera un jour ou l'autre
avant le retour de l'été. Je te donnerai des nouvelles
tant que je le pourrai. Voilà mon secret; je voudrais que
cela reste entre nous. On se le promit.
Quelques mois plus tard, Luc reçut
de Thomas une longue lettre qui se terminait comme suit :
Après cette dure période que je
viens de passer, je sens que c'est la dernière lettre que
je pourrai t'écrire. Je te redis toute mon amitié.
Et comme je ne serai pas là l'an prochain, voilà ce
que je te propose : tu sais avec quelle joie et avec quel plaisir
nous avons découvert ce bel arbre fruitier et dégusté
ses fruits succulents, eh bien! chaque fois que tu retourneras visiter
cet arbre fruitier et que tu en dégusteras les fruits je
voudrais que tu le fasses en rappel de la joie que nous avons vécue
ensemble et pour te souvenir de notre amitié toujours aussi
vivante qu'à ce moment-là. Chaque fois que tu feras
cela, tu le feras en mémoire de moi, et je serai avec toi.
Adieu!
LIEN : Célébrer l'Eucharistie, c'est refaire les
gestes de Jésus, redire ses paroles, rendre présent
tout son amour. Chaque fois que vous mangerez ce pain et que vous
boirez à cette coupe, faites-le en mémoire de moi,
dit Jésus. Je suis avec vous jusqu'à la fin des temps.
Vendredi
saint
Un homme
crucifié avec son peuple
La multitude avait été consternée en le
voyant, car il était si défiguré qu'il ne ressemblait
plus à un homme...»
(Isaïe 42, 14).
Quand il était archevêque de San Salvador, monseigneur
Romero vivait dans une maisonnette proche d'un hôpital pour
cancéreux, tenu par des surs carmélites. L'une
d'elles, amie intime de monseigneur, participait à la célébration
eucharistique dans la chapelle de l'hôpital où on l'a
assassiné le 24 mars 1980. Elle donne ici son témoignage.
La dernière homélie
de monseigneur était belle. Il parlait comme s'il avait su
qu'il allait se faire tuer. Il a souvent répété
que si le grain ne meurt, il ne peut porter de fruit. À la
fin de son homélie, il s'est dirigé vers l'autel.
L'instant d'après, on entendait le coup de feu.
Je remercie Dieu pour ce grand prophète
du El Salvador. Il est mort comme Jésus et, aujourd'hui,
il intercède pour tous les pauvres et pour tout son peuple.
Un journaliste a un jour demandé à monseigneur Romero
s'il avait peur quand il dénonçait les injustices
et les abus. Il a répondu qu'en effet il avait peur et qu'il
savait ce qui allait lui arriver. Il a rajouté qu'il pardonnait
à ses assassins. Il savait qu'il ressusciterait dans son
peuple (El Salvador, Un peuple crucifié, témoin de
sa foi).
LIEN : La défiguration de Jésus est le symbole de
la souffrance des êtres humains d'hier et d'aujourd'hui. Symbole
des échecs et des deuils, symbole de l'exploitation, de l'injustice
et du mensonge, symbole de tout ce qui brise et ravage un visage
humain.
Et quand la pierre du tombeau se referme
sur ces visages meurtris et anéantis et que le silence apparent
de Dieu semble la seule réponse à ce non-sens, la
récréation, la réparation est déjà
à l'oeuvre et un monde nouveau est en train de naître.
Alors les nuits de nos souffrances, qu'elles
soient d'ordre moral, physique ou spirituel, sont éclairées
par cette vie nouvelle déjà présente sur la
croix de Jésus.
* * * * *
Prière
Mon Père,
Je m'abandonne à toi,
Fais de moi ce qu'il te plaira.
Quoi que tu fasses de moi, je te remercie.
Je suis prêt à tout,
j'accepte tout pourvu que ta volonté se fasse en moi.
En toutes tes créatures, je ne désire rien d'autre,
mon Dieu.
Je remets mon âme entre tes mains,
je te la donne, mon Dieu,
avec tout l'amour de mon cur, parce que je t'aime,
Et que ce m'est un besoin d'amour de me donner,
de me remettre entre tes mains sans mesure,
Avec une infinie confiance, car tu es mon Père.
Charles de Foucauld
Pâques
Antonio
Jean Vanier raconte comment un jeune handicapé de l'Arche a été une source de libération pour de nombreuses personnes.
« Antonio est arrivé dans notre communauté de Trosly à l'âge de vingt ans, après avoir passé plusieurs années dans un hôpital. Il ne pouvait ni marcher ni utiliser ses mains; il ne parlait pas; il avait besoin d'un masque à oxygène pour mieux respirer. Il était très faible et très fragile, mais il avait un sourire et des yeux d'une grande beauté. Il n'y avait en lui aucune colère, aucune tristesse, aucune ombre. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne se fâchait jamais, surtout lorsque l'eau de son bain était trop chaude ou trop froide, ou que les assistants l'oubliaient! Mais il avait accepté ses limites et ses handicaps, il s'acceptait tel qu'il était. Il ne pouvait pas être généreux, donner ou faire des choses pour les autres; il avait trop de besoins lui-même. Mais il aimait avec un amour particulier, l'amourconfiance. Quand on est généreux, on donne des choses. Mais quand on aime avec confiance, on se donne, on donne son coeur; on appelle l'autre à la communion.
Antonio a touché et réveillé le coeur de plusieurs assistants qui sont venus vivre avec lui. Il leur a enseigné la voie du coeur. Ces assistants me disaient souvent" Antonio a changé ma vie. Il m'a fait sortir d'une société de compétition, où il faut être fort et agressif, pour me faire entrer dans un monde de tendresse et de réciprocité, où chacun, fort et faible, peut être et exercer ses dons".»
(Jean Vanier, Accueillir notre humanité, Éditions Bellarmin, 1999, p. 106)
LIEN: Le Christ ressuscité tourne nos regards vers une vie qui ne finit pas et vers des valeurs qui sont éternelles, comme l'amour, la paix et la joie. Il en allait de même pour Antonio qui, dans sa vulnérabilité et sa faiblesse, a ouvert le coeur des gens sur des dimensions plus simples et plus vraies de la vie.
Chronique
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Le plus grand pouvoir
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