Crucifixion. Georges Rouault, c. 1935-40. Huile et gouache sur papier marouflé, 106 x 75 cm (marché de l’art).

Dans la détresse, garder confiance : Psaume 31 (30)

Jean GrouJean Grou | 30 novembre 2020

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« Père, entre tes mains je remets mon esprit. » (traduction de La Bible, traduction officielle liturgique) Vous reconnaissez ces paroles? D’après le récit de l’évangéliste Luc, ce serait les dernières que Jésus en croix aurait prononcées, tout juste avant de rendre son dernier souffle (Luc 23,46). Il cite alors le Psaume 31 (v. 6), une longue prière d’appel au secours. L’Église catholique en a d’ailleurs retenu des extraits pour la liturgie du Vendredi saint. En fait, tout ce psaume pourrait s’appliquer au Christ dans sa passion. On y trouve en effet la supplication d’un accusé innocent, victime de moqueries et de mépris, violenté, menacé de mort.

La prière qui retentit dans le Psaume 31 est de nature individuelle, mises à part les toutes dernières lignes (v. 24-25). Cela dit, son auteur n’est pas non plus centré sur lui-même, puisqu’à plusieurs reprises, il évoque Dieu et s’adresse parfois directement à lui. Comme beaucoup d’autres psaumes de ce genre, on y observe un contraste parfois étonnant entre les plaintes et les cris de détresse d’une part et les paroles de confiance et d’action de grâce d’autre part.

Ainsi, dès le départ, un appel au secours se fait entendre (v. 2-3) suivi d’une expression de confiance (v. 4-5). Puis, le psalmiste se dit prêt à s’abandonner entre les mains du Seigneur (v. 6-7) et veux même crier de joie pour les bienfaits d’origine divine dont il a bénéficié (v. 8-9). Il lance ensuite des paroles de détresse qui témoignent de sa tristesse et de son épuisement (v. 10-11). Attaqué de toutes part (v. 12), il se dit oublié de tous et, paradoxalement, sujet de complot pour le faire périr (v. 13-14). Alors que tout semble fini pour lui, voilà qu’il manifeste de nouveau sa confiance envers le Seigneur et le supplie pour obtenir son aide (v. 15-17). Il va même jusqu’à souhaiter la disparition de ceux qui s’acharne contre lui (v. 18-19). Mais loin de s’enfermer dans un désir de vengeance, il change de ton et exprime encore une fois sa conviction de pouvoir compter sur le soutien du Très-Haut (v. 20-21). Arrive enfin la résolution : la confiance en Dieu a porté fruit, la menace semblant écartée et la sérénité retrouvée (v. 22-23). La « morale » de l’histoire : il invite ses frères et sœurs à garder courage et à mettre eux aussi leur confiance en Dieu (v. 24-25).

Comme nous l’évoquions d’entrée de jeu, la figure du Christ souffrant vient presque automatiquement à l’esprit des chrétiens et chrétiennes qui parcourent ce psaume. Mais tout comme le Vendredi saint, il fait aussi entendre le cri de tous ceux et celle qui, en ce moment même en notre monde, sont frappés par une épreuve et peinent à s’en sortir. Alors, les appels de détresse que le psalmiste lance au Seigneur, ne pouvons-nous pas les accueillir comme s’adressant à nous? N’est-ce pas par les croyants et les croyantes que Dieu passe pour lutter contre les injustices, la violence et l’exclusion sociale?

Jean Grou est bibliste et rédacteur en chef de Vie liturgique et Prions en Église.

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Trésors de la prière juive et chrétienne, les psaumes n'en demeurent pas moins des textes qui demandent parfois d'être apprivoisés. Cette chronique propose une initiation aux psaumes et à la prière avec les psaumes.