(Luke Thornton / Unsplash)

Ode à la grandeur divine : le Psaume 147A (146) *

Jean GrouJean Grou | 29 janvier 2024

Lire le psaume (version liturgique)

Le premier verset du Psaume 147 A (146) donne le ton à l’ensemble : « Alléluia! Il est bon de fêter notre Dieu, il est beau de chanter sa louange! » Ici donc, pas question de demande, de supplication ou de lamentation comme elles apparaissent régulièrement dans beaucoup d’autres psaumes. L’heure est à la célébration, sans retenue.

Pourquoi?

Mais pourquoi donc chanter la louange de Dieu? Les versets 2 à 6 énumère une première série de raisons, en commençant par le fait que « le Seigneur rebâtit Jérusalem ». Que ce motif arrive en tête de ligne nous incite à situer la date de composition de ce psaume peu de temps après le retour à Jérusalem de la population juive qui avait vécu en exil à Babylone durant une quarantaine d’années (environ 586 à 540 av. J.-C.). La suite vient d’ailleurs appuyer cette hypothèse : « Il [le Seigneur] rassemble les déportés d'Israël. » Et il le fait avec beaucoup de sollicitude, en guérissant les « cœurs blessés » et en soignant « leurs blessure s» (v. 2).

Après ces motifs centrés sur le sort du peuple d’Israël, l’horizon s’élargit pour embrasser l’ensemble du cosmos. Si Dieu mérite d’être louangé, c’est aussi parce qu’il est maître de l’univers. Non seulement est-il en mesure de compter toutes les étoiles, il arrive même à donner à chacune un nom! Sa grandeur, sa force et son intelligence dépasse tout entendement.

En conclusion de cette série de motifs de louange, on revient sur terre, à l’échelle humaine : « Le Seigneur élève les humbles et rabaisse jusqu'à terre les impies. » (v. 6) C’est dire que la puissance et la grandeur de Dieu sont au service non pas de sa propre gloire, mais des plus vulnérables de ses créatures. L’évangéliste Luc avait peut-être ce verset en tête lorsqu’il a mis ces mots du Magnificat dans la bouche de Marie : « Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. » (Luc 1,52)

Rendons grâce!

Une deuxième invitation retentit au verset 7, cette fois à rendre grâce au Seigneur. Suit une série de motifs inspirés de la nature. Dieu est salué comme celui qui assure la subsistance à tout ce qui vit, êtres humains et animaux, jusqu’« aux petits du corbeau ». Cette dernière mention rappelle ces paroles de Jésus : « Observez les corbeaux : ils ne font ni semailles ni moisson, ils n’ont ni réserves ni greniers, et Dieu les nourrit. Vous valez tellement plus que les oiseaux! » (Luc 12,24)

Espérer son amour

Les deux derniers versets (v. 10-11) prennent un ton quelque peu différent. Plutôt que de vanter la grandeur et la puissance divine, ils s’intéressent à ce que le Seigneur aime. En fait, ils commencent par la négative en signalant ce qu’il n’aime pas : « La force des chevaux [et] la vigueur des guerriers » (v. 10). Rappelons que ce psaume date vraisemblablement de la période suivant le retour de l’exil de la communauté juive qui vient de retrouver Jérusalem et s’emploie à reconstruire son temple. Le souvenir de la chute de la ville une quarantaine d’année plus tôt était sans doute encore bien amer. Se rappeler que le Seigneur n’apprécie pas les démonstrations de force ni les conquêtes militaires devait apporter un certain réconfort au peuple.

Mais si le Seigneur n’apprécie pas la force des chevaux ni les armes des puissants, qu’est-ce qui touche son cœur alors? La réponse se trouve dans dernier verset : « Le Seigneur se plaît avec ceux qui le craignent, avec ceux qui espèrent son amour. » Le verbe « craindre » est à prendre ici au sens biblique d’« immense respect » et non de « peur » comme on pourrait le croire spontanément.

Respecter Dieu commence par le respect de toute sa création, y compris chaque être humain, quelles que soient ses origines ou sa condition physique et sociale. C’est une exigence qui ne va pas toujours de soi, il faut bien l’admettre. C’est pourquoi il est bon de garder en tête l’invitation qui conclut ce psaume : espérer en l’amour divin, qui peut nous donner la force non pas de dominer le prochain mais de vaincre les obstacles qui nous empêchent de tisser ou de maintenir des relations saines et enrichissantes avec lui.

Jean Grou est bibliste et rédacteur en chef de Vie liturgique et Prions en Église.

[1] Le psaume numéroté 147 dans la Bible hébraïque est divisé en deux dans la traduction grecque, appelée aussi la Septante. Si bien que dans cette version, la première moitié de ce psaume est numéroté 146 et la deuxième 147. Nous allons ici en parcourir la première partie qu’on désignera donc comme le Psaume 147 A (146).

Psaumes

Psaumes et cantiques

Trésors de la prière juive et chrétienne, les psaumes n'en demeurent pas moins des textes qui demandent parfois d'être apprivoisés. Cette chronique propose une initiation aux psaumes et à la prière avec les psaumes.