Enluminure du psautier Touke, c. 1250-1260.
Lettrine « C » au début du psaume 97 (Walters Art Museum).

La victoire du Roi des rois : le Psaume 98 (97)

Jean GrouJean Grou | 25 mars 2024

Lire le psaume (version liturgique)

Le Psaume 98 (97) occupe une place de choix dans la liturgie de l’Église catholique romaine. Il figure en effet à trois reprises dans le lectionnaire dominical et pas moins de quatorze fois dans le férial, devancé en cela uniquement par le Psaume 119 (118), qui enregistre vingt occurrences. Il faut dire qu’avec son ton particulièrement festif, il a tout pour inviter à célébrer le Seigneur de la vie!

Aux origines

Tout porte à croire que le Psaume 98 (97) a été composé pour usage dans le cadre de la fête des Tentes, une des plus importantes et populaires du calendrier liturgique juif. Il chante les louanges d’un roi qui n’est pas un humain, mais bien Dieu lui-même, le seul que la tradition juive reconnaît comme son véritable souverain. D’ailleurs, à l’époque présumée de la composition de ce psaume, la dynastie royale de David s’était éteinte depuis belle lurette. Les Israélites ont compris qu’il valait mieux mettre leur confiance dans le Seigneur avant tout.

Le ton et les expressions qui caractérisent le Psaume 98 (97) reflètent bien le climat joyeux et bruyant qui devait régner durant les rassemblements à l’occasion de la fête des Tentes. Tout un orchestre résonne : cithare, trompette, cor et tous les instruments (v. 5-6)!

La victoire du Seigneur

Dès le départ est énoncé ce qui motive ce joyeux chant de louange : le Seigneur « s’est assuré la victoire ». Le mot « victoire » revient d’ailleurs deux autres fois dans les versets qui suivent.

Parmi les instruments mentionnés au verset 6 apparaît le cor, le fameux shofar, cet instrument à vent taillé dans une corne de bélier ou de bouc. Il était d’abord d’usage militaire, pour sonner l’alarme, mobiliser les troupes et signaler le début et la fin d’un combat. Puis on en est venu à l’utiliser en contexte cultuel, pour marquer certaines fêtes, le commencement d’un jeûne ou l’intronisation d’un roi. Pas étonnant, donc, qu’il soit mentionné dans le Psaume 98 (97), chant liturgique qui célèbre une victoire militaire.

Pour toute la terre

Cela dit, il faut relativiser la notion de « victoire militaire » dans le contexte du Psaume 98 (97), puisqu’il ne s’agit manifestement pas ici d’un réel affrontement entre deux armées. En fait foi le verset 3 qui expose la nature de cette « victoire » du Seigneur : « Il s’est rappelé sa fidélité, son amour, en faveur de la maison d’Israël. » Fidélité et amour, deux traits qui définissent mieux que tout l’être même de Dieu dans la tradition juive. Voilà ce que le psaume appelle à célébrer.

Notons aussi que cette fidélité et cet amour ne sont pas de simples belles qualités ou des notions un peu abstraites. Le psaume précise en effet que tous deux s’exercent « en faveur de la maison d’Israël ». L’action divine ne se limite cependant pas à ce peuple en particulier, comme le signale la suite du verset : « La terre tout entière a vu la victoire de notre Dieu. » Et de fait, tout le reste montre clairement que les bienfaits divins dont a d’abord bénéficié Israël ont rejailli au-delà de ses frontières, pour « le monde et tous ses habitants ».

Les versets suivants lancent à l’univers entier une pressante invitation à célébrer la louange du Seigneur : « Que résonnent la mer et sa richesse, le monde et tous ses habitants ; que les fleuves battent des mains, que les montagnes chantent leur joie. » (v. 7-8) Le ton est presque naïf, enfantin, comme si les cours d’eau pouvaient battre des mains et les montagnes chanter… Mais ils reflètent avec simplicité et spontanéité la joie sincère de reconnaître la présence d’un Dieu bienveillant qui veille sur l’ensemble de l’univers.

Le meilleur est à venir

Jusqu’ici, le Psaume 98 (97) regardait plutôt vers le passé, rendant gloire à Dieu pour ses accomplissements et sa bienveillance au long des âges. En conclusion, au tout dernier verset, il se tourne résolument vers l’avenir, annonçant la venue du Seigneur « pour gouverner la terre, pour gouverner le monde avec justice et les peuples avec droiture! » (v. 9) Autrement dit : le meilleur est à venir!

C’est manifestement ainsi que la tradition chrétienne a compris ce psaume, et ce qui explique pourquoi il revient si souvent dans le contexte de la célébration eucharistique. La grande victoire de Dieu, qui manifeste plus que tout sa fidélité, son amour, sa justice et sa droiture, n’est-elle pas celle du Christ relevé de la mort?

Jean Grou est bibliste et rédacteur en chef de Vie liturgique et Prions en Église.

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Trésors de la prière juive et chrétienne, les psaumes n'en demeurent pas moins des textes qui demandent parfois d'être apprivoisés. Cette chronique propose une initiation aux psaumes et à la prière avec les psaumes.