Reconstittion artistique de la piscine de Siloé (Yoav Dothan / Wikipédia)

La piscine de Siloé

Robert DavidGuy Couturier | 19 dcembre 2013

La direction de la revue Prêtre et Pasteur me demande un article sur une découverte archéologique récente qui illustre bien un événement de l’Ancien ou du Nouveau Testament. Les découvertes nombreuses qui venaient à mon esprit n’étaient pas vraiment bien récentes, quand soudain la lumière surgit : en 2005, lors de travaux routiers dans la vallée du Cédron, à Jérusalem, un monument ancien de grande importance commença à surgir des couches archéologiques; on alerte le service des antiquités de Jérusalem qui met en chantier sans tarder les fouilles systématiques de ces lieux.

C’est à la jonction de la vallée du Cédron, qui coule du nord au sud, et de la vallée de la Géhenne, qui est orientée est-ouest, que cette découverte se produisit. Le lieu porte le nom de Silwân, la forme arabe bien évidente de l’ancien nom de Siloé. Il s’agit d’une petite plaine bien verdoyante, à cause des roseaux et herbes hautes qui y poussent. En effet le lieu est bien arrosé par le canal d’Ezéchias (716-687) qui y amène les eaux de l’unique source de Gihon, qu’une inscription, à sa sortie, date aux environs de l’an 700 av. J.-C. Le nom de ce lieu est bien Siloé, comme tous les textes nous le révèlent. À l’époque byzantine, l’impératrice Eudoxie (400-460), y fit bâtir une petite église, dont il reste encore quelques vestiges. Plus tard, en 1890, les musulmans bâtirent à leur tour une petite mosquée sur les ruines de cette église, et qui est encore en plein service.

Au cours donc des travaux de voirie, la pelle mécanique d’un bulldozer révéla un petit segment d’un escalier de cinq marches, en belle pierres de taille. On invite aussitôt des archéologues pour venir vérifier cet ouvrage. Et progressivement on déterra une magnifique-piscine qui étonna tous ceux qui y travaillaient ou venaient la visiter. La datation de sa construction devint très rapidement connue, car dans le mortier qui reliait les pierres entre elles on y trouva quatre pièces de monnaie frappée au temps d’Alexandre Jannée, un descendant des Maccabées, qui régna sur la Judée de 103 à 76 av. J.-C. C’est là un indice de datation bien établi, que tout archéologue rêve de découvrir. Celle piscine existait donc au temps du ministère de Jésus. Elle fut fortement endommagée par les Romains quand Titus conquit Jérusalem en l’an 70 de notre ère, et abandonnée par la suite.

La structure de cette piscine est clairement conservée. Elle a la forme d’un quadrilatère, dont l’un des longs côtés est légèrement plus court que son vis-à-vis. Le monument est bâti de belles pierres de taille. Tout d’abord on note qu’une sorte de déambulatoire entoure complètement cette piscine. Suivent ensuite trois escaliers de cinq marches chacun, et deux autres déambulatoires, plus étroits que celui du haut, courent au pied du premier et du deuxième escalier. Enfin au pied du troisième escalier, nous rencontrons la grande piscine. D’a-près les sédiments la hauteur de l’eau variait constamment, elle pouvait atteindre, à des moments différents, le pied de l’un ou l’autre des escaliers. En d’autres temps elle se limitait au grand bassin du fond de la piscine.

Son abandon après l’an 70 de notre ère fut définitif. Les alluvions qui s’y amoncelèrent sous l’effet des fortes pluies d’hiver atteignant parfois trois mètres ! Évidemment elle disparut complètement de la vue des hommes, jusqu’à son apparition soudaine sous le coup d’une pelle mécanique d’un bulldozer, et les travaux des archéologues de ces dernières années.

À n’en pas douter, le site devra être ajouté à la liste des lieux à visiter pour tout futur visiteur de Jérusalem. J’ose ajouter qu’il s’agit là de la plus importante découverte archéologique de Palestine depuis celle des Manuscrits de la Mer Morte en 1949. Et c’est un texte de l’évangile de Jean qui est à l’honneur: nous sommes bien en présence du lieu où Jésus guérit un aveugle-né (Jean 9).

Orientaliste et exégète de l’Ancien Testament, Guy Couturier (1929-2017) était professeur émérite de l’Université de Montréal.

Source : Prêtre et Pasteur, septembre 2010, p. 489-490

Archéologie

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Initiée par Guy Couturier (1929-2017), professeur émérite à l'Université de Montréal, cette chronique démontre l'apport de l'archéologie à une meilleure compréhension de la Bible. Au rythme d'un article par mois, nos collaborateurs nous initient à la culture et à l'histoire bibliques par le biais des découvertes archéologiques les plus significatives.