La synagogue (Wikipedia).

La synagogue de Kfar Bar’am

Robert DavidRobert David | 9 septembre 2019

Situé en Haute-Galilée, à 12 km environ au Nord-Ouest de Safed, presque sur la ligne qui sépare Israël du Liban, le village (kfar en arabe) de Bar’am n’est pas mentionné dans la littérature biblique. On en signale l’existence pour la première fois autour de 1210 de notre ère, dans des témoignages écrits par des rabbins, en pèlerinage dans la région.

Le village n’offre pas d’attrait archéologique majeur, exception faite des restes d’une magnifique synagogue datant du 3e siècle de notre ère [1], et dont tous les auteurs anciens attribuent la construction au célèbre rabbin talmudiste du 2e siècle, Siméon bar Yohai (à qui l’on attribue aussi la rédaction du Zohar, livre par excellence de la Kabbale).

Cette synagogue est faite de pierres de basalte assemblées sans mortier et mesure 15,2 m de largeur par 20 m de longueur. Son architecture est semblable à celle des autres synagogues de Galilée construites à l’époque talmudique. Il est plus que probable qu’elle possédait un deuxième étage, mais il n’en subsiste rien. 

La synagogue se trouve aujourd’hui dans un parc national, à proximité des ruines d’une église maronite. Le site a été fouillé à trois reprises : en 1905 par une équipe allemande (Heinrich Kohl et Carl Watzinger), à la fin des années 1960 par le Département des antiquités israéliennes et en 2001 par une équipe dirigée par Mordechai Aviam.

Plan de la synagogue

Le plan de la synagogue selon Kohl et Watzinger.

Plan de la synagogue

La synagogue est orientée Nord-Sud. Contrairement à la pratique dans nos églises, on entre par l’avant dans les synagogues (voir aussi la synagogue de Capharnaüm et les autres trouvées en Galilée) et l’on se tourne vers l’entrée (demi-tour) pour la prière. Comme la façade se situe du côté Sud de la synagogue, elle se trouve orientée vers Jérusalem, orientation habituelle à l’époque (comme aujourd’hui les musulmans se tournent vers la Mecque pour prier).

Chose inhabituelle, la synagogue est précédée d’un porche d’une largeur de 5,35 m, courant sur tout le devant de la façade. Ce porche est composé de huit colonnes, dont six occupent le devant de la façade. La colonne du côté Est a été trouvée in situ, avec une partie de l’architrave qui la reliait à l’édifice. Le piédestal d’une colonne de coin se trouvait également en place.

La façade possède trois entrées, une principale et deux latérales, qui donnent accès aux trois sections formées par les rangées de colonnes à l’intérieur de la synagogue. Les colonnes forment un « U », deux rangées de six colonnes courant parallèlement dans l’axe Nord-Sud, tandis que deux colonnes divisent l’arrière dans le sens Est-Ouest. La nef centrale fait 6,2 m de largeur. De toutes ces colonnes, une seule fut trouvée in situ, de même que quelques piédestaux qui s’alignaient sur un stylobate. Aucun chapiteau ne fut cependant découvert dans la synagogue. On peut présumer qu’ils devaient être du même style que ceux des colonnes extérieures.

Une porte, à peu près de la même largeur que la porte principale, ouvrait sur le côté Est. On note également une rangée de banquettes courant le long des murs Est et Ouest. On s’y asseyait pour écouter la lecture de la Torah et les enseignements des rabbins.

Le plan est assez caractéristique des synagogues de l’époque, à l’exception de la présence du porche, ce qui s’apparente davantage aux basiliques chrétiennes de l’époque byzantine. Peut-être Bar’am est-il l’ancêtre de l’architecture byzantine en Palestine...

Synagogue de Kfar Bar'am

Éléments décoratifs de la façade (Wikipedia).

La façade de la synagogue

Ce qui retient surtout l’attention (et qui a retenu l’attention des visiteurs depuis le 12e siècle), c’est le niveau de préservation de la façade de la synagogue. Cette façade est presque intacte, laissant apparaître les divers éléments décoratifs qui furent utilisés lors de sa construction. Ceci en fait un édifice unique à découvrir.

On voit, sur le côté Est, la colonne retrouvée in situ, de même que l’architrave qui la relie à l’édifice. On distingue très bien les trois entrées. L’entrée centrale possède la décoration la plus élaborée. D’une largeur de 1,40 m et d’une hauteur de 2,65 m, elle est flanquée de deux montants ciselés. Au-dessus du linteau, une frise légèrement convexe laisse apparaître en relief une branche de vigne sortant d’une amphore. Au-dessus de la corniche, une fenêtre en demi-lune, finement décorée, laissait passer la lumière à l’intérieur. Le seuil possédait une décoration que l’on pourrait associer à la figure de la Victoire mais qu’on a volontairement mutilée plus tard, la religion juive interdisant les représentations humaines ou divines dans les lieux religieux.

Les deux entrées latérales sont à peu près identiques, sauf en ce qui a trait à la décoration de la frise. Au-dessus de la porte Ouest, elle ressemble à une trame de cordage, tandis que celle du côté Est s’apparente à des écailles de poisson. Les deux portes étaient également surmontées de petites fenêtres possédant aussi des motifs en relief. Sur le côté de la fenêtre Est on peut lire l’inscription suivante en hébreu : « Construit par Eléazar, fils de Yudan ».

Synagogue de Kfar Bar'am

La frise de la porte Est (Wikipedia).

L’ensemble de la synagogue de Bar’am illustre très bien le type de construction mis de l’avant en Galilée. Bar’am offre au visiteur l’avantage de découvrir, in situ, la beauté de la décoration de ces constructions importantes pour les villages anciens en Israël. Nous ne sommes peut-être pas à l’époque biblique, mais nous nous en rapprochons par l’héritage.

Robert David est professeur honoraire de l’Université de Montréal. Il a enseigné l’exégèse de l’Ancien Testament et l’hébreu biblique à la Faculté de théologie et de sciences des religions de 1988 à 2015.

[1] Il y avait une deuxième synagogue plus petite, mais on en a trouvé très peu de restes. Un fragment du linteau de cette petite synagogue est conservé au musée du Louvre. L’inscription hébraïque sur le linteau se lisait comme suit : « Puisse la paix régner en ce lieu et en tous lieux d’Israël. Joseph le Lévite, fils de Lévi, posa ce linteau. Bénit soit son travail. Shalom. »

Archéologie

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Initiée par Guy Couturier (1929-2017), professeur émérite à l'Université de Montréal, cette chronique démontre l'apport de l'archéologie à une meilleure compréhension de la Bible. Au rythme d'un article par mois, nos collaborateurs nous initient à la culture et à l'histoire bibliques par le biais des découvertes archéologiques les plus significatives.

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À quelques kilomètres du lac de Tibériade (que l’on voit au premier plan), au Nord-Ouest de celui-ci, s’élève le mont Safed, complètement au fond sur la photo. Le sommet atteint les 960 mètres, ce qui en fait la troisième plus haute montagne d’Israël, après l’Hermon et le mont Mérom. La montagne abrite l’un des plus importants centres de la mystique juive. C’est en effet dans la ville de Safed que s’est développée la mystique juive connue sous le nom de Kabbale, sous le patronage de Isaac Louria (1534-1572). À l’époque biblique cependant, Safed ne joue aucun rôle car, vue sa hauteur, la montagne demeure à toute fin pratique inaccessible.