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Le sacrifice
des animaux dans l'Ancien Testament
Pourquoi
Exode 20,13 nous dit de ne point tuer, alors qu'on sacrifiait des animaux.
N'est-ce pas une contradiction? J'apprécierais beaucoup une réponse.
Charles.
Vous
faites référence à une partie du décalogue,
traditionnellement appelé les « dix commandements »
dans la version du livre de l'Exode (il y en a une autre en Dt
5,1-22 située dans un contexte différent). Votre question
est typique d'un occidental du XXIe siècle, c'est-à-dire
venant d'une société où l'écologie a pris
une grande importance, peut-être trop grande d'ailleurs... typique
d'une société où les petits animaux de compagnie
remplacent l'ami manquant, ou encore rendent faciles des relations affectives
difficiles avec ses propres semblables. Cela est très symptomatique!
L'homme de la Bible, comme les hommes de beaucoup d'autres pays du monde
aujourd'hui, ont toujours fait une claire distinction entre l'être
humain et les animaux. Jamais il ne leur serait venu à l'esprit
de mettre sur un quelconque pied d'égalité un être
humain avec quelque animal que ce soit. Les animaux sont certes beaux
et reflètent la gloire du Dieu créateur (cf. Gn 1; Ps 104;
Siracide 42,15&endash;43,33), mais ils sont pour l'utilité de l'être
humain (Gn
1,28-31). J'ai moi-même vu dans certain pays que les chiens
ne servent qu'à garder les troupeaux et personne ne penserait à
établir avec lui quelque lien « affectif »
que ce soit. Notre société nord-américaine du XXIe
siècle a souvent été qualifiée de « mêlée »,
et c'en est un signe si l'animal, aussi bon, aussi beau, aussi utile soit-il,
est mis sur un pied d'égalité avec l'humain. Dans la Bible,
l'être humain est invité à « gérer »
la création et à l'utiliser pour son progrès et son
bien-être (cf. Gn
1,26-31). Cela, évidement, ne signifie pas qu'il doive en abuser
ou l'exploiter sans mesure.
Nous en arrivons à votre question.
Le commandement de ne pas tuer concerne évidemment les êtres
humains et uniquement eux. Ce qui est condamné, c'est le meurtre.
Tuer des animaux pour les manger est tout à fait légitime,
les utiliser pour le culte sacrificiel aussi. J'ajouterais que ce n'est
pas les mépriser du tout, au contraire. C'est parce que l'homme
de la Bible reconnaît que la vie habite en eux qu'il peut justement
les offrir à Dieu. L'animal sacrifié symbolise la vie que
l'on offre à la divinité, la communion qu'on veut établir
avec elle, puisque, dans la plupart des cas, la victime était en
partie brûlée (= donnée à Dieu) et en partie
mangée par les sacrificateurs.
Une dernière chose. Votre question
se termine par : « N'est-ce pas une contradiction? ».
Si vous lisez la Bible en cherchant des contradictions, vous en trouverez
partout et vous aurez raison. Mais vous allez manquer complètement
le message. La Bible, et surtout l'Ancien Testament, n'a pas besoin d'un
inquisiteur qui la scrute à la loupe mais d'un cur ouvert
au message. Or, ce message s'est développé sur plusieurs
siècles, à travers des hommes et des femmes qui vivaient
dans les mêmes conditions que nous, vivaient les mêmes défis
et les mêmes épreuves. Ils ont appris à connaître
leur Dieu en tâtonnant et en essayant, comme nous. C'est pourquoi
dans la Bible on peut à peu près trouver tout et n'importe
quoi. Aussi il est important de voir l'évolution générale
et les grandes lignes du message.
Hervé Tremblay, OP
Professeur au Collège dominicain de philosophie et de théologie
(Ottawa)
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