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Comprendre la Bible
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chronique du 24 avril 2009

 

Les chrétiens et le sabbat

QuestionEst-il nécessaire, de nos jours, de respecter le sabbat? Pourquoi les chrétiens ne l’observent pas alors qu'il fait parti des dix commandements et que Paul et les premiers chrétiens le faisaient? Pourquoi le dimanche a-t-il été choisi comme jour du Seigneur, alors même que le mot « dimanche » n'est pas mentionné dans la Bible? (Gilbert)

RéponseContrairement à ce que l’on croit habituellement, les fêtes religieuses ont une histoire. Elles n’ont pas toujours, à toutes les époques, occupées le même espace que celui qu’elles occupent aujourd’hui. Avant l’exil à Babylone, le Sabbat ne se fêtait pas à tous les sept jours, mais une fois par mois. On le fêtait le jour où la lune cessait de croître : le jour de la pleine lune. Chez les prophètes, le Sabbat alternait avec une autre fête, à cette époque aussi très importante dans le judaïsme : Roch Hodesh, la fête de la nouvelle lune qui marquait le début de chaque mois (Am 8,5 ; Os 2,13 ; cf. Ps 81,4). Les mois se succédaient ainsi de nouvelles lunes en pleines lunes marquant deux temps religieux forts dans le mois, liés, non pas à une activité hebdomadaire, mais à des phases lunaires.

     Mais on en a aussi, parallèlement, certaines traces d’une volonté de scander le temps en sept jours. En Ex 34,21, pendant la fête des Azymes, on mangeait du pain sans levain et on chômait le dernier jour. Une version non liturgique du code de l’Alliance, qui date de l’époque monarchique (Xe-XIIe siècle) stipule qu’il faut faire reposer son bœuf et son âne de même que sa servante et que l’étranger chez soi, le septième jour (Ex 23,12). Mais ce temps de repos hebdomadaire, à l’époque pré-exilique n’est pas encore lié au Sabbat. Ce n’est qu’au moment de l’exil à Babylone (VIe siècle avant J.C.) que ces deux fêtes : Sabbat mensuel et repos hebdomadaire ont été fusionnés par la caste sacerdotale. C’est à cette époque que furent modifiés les textes du Pentateuque et que furent rédigées les prescriptions sacerdotales d’Ex 31,13-17 ainsi que les deux versions du Décalogue disant qu’il fallait tenir comme « sacré » le jour du Sabbat pour :

  • imiter le repos de Dieu après la création (Ex 20,8-11);
  • se souvenir de la servitude d’Égypte (Dt 5,12-15).

     À partir de ce jour et jusqu’à aujourd’hui, cette fête du Sabbat est une des institutions les plus importantes du Judaïsme à cause de la dimension identitaire qu’elle contient. Mais, pour les chrétiens, l’histoire ne s’arrête pas là!

     Vous avez raison de dire que les premiers chrétiens d’origine juive respectaient le Sabbat. Mais ceux qui croyaient en Jésus n’étaient pas tous, nécessairement, d’origine juive! La communauté d’Antioche par exemple fut, depuis sa fondation, une communauté mixte (composée de juifs et de païens). La question s’est vite posée de savoir s’il fallait faire, de ces païens, des Juifs pour qu’ils deviennent chrétiens. Après maintes délibérations, on a décidé que « non ». Mais, vous avez raison, les chrétiens d’origine juive respectaient effectivement le Sabbat. On en a des traces dans la finale de l’Évangile de Luc (Lc 24,53). Par ailleurs, on avait coutume, après le Sabbat, de fêter, non pas le dimanche, mais « le premier jour de la semaine » (Ac 20,7), la résurrection de Jésus. Ce « premier jour de la semaine », qui suit le jour du Sabbat (Mt 28,1), est souvent mentionné dans le Nouveau Testament comme jour de la résurrection de Jésus (Mc 16,9 ; Jn 20,1) et aussi comme jour d’apparitions de Jésus à ses disciples lors d’un repas (Lc 24, 36-49 ; Jn 20,19-23 ; Ac 1,4). Dans l’empire romain, ce « premier jour » était appelé le dimanche. C’est pourquoi dans la tradition catholique, le troisième commandement de Dieu est formulé de la façon suivante : « Le dimanche tu garderas en servant Dieu dévotement. »

     Lorsque les rabbins juifs, au Concile de Jamnia, après la chute du Temple, ont expulsé les chrétiens du Judaïsme en introduisant la Birkat-ha-minim dans leurs prières à la synagogue (prière diffamatoire contre Jésus-Christ), de façon à se donner concrètement les moyens de repérer ceux qui, dans l’assemblée, étaient chrétiens (pour les exclure, les lapider, et parfois les dénoncer aux autorités), alors l’Église, dans sa sagesse, privilégia cette tradition qui date de ses origines et qui consiste à célébrer la Pâques du Seigneur le huitième jour, soit le dimanche. Ce fait historique ne nous a pas pour autant coupé de nos racines juives car le christianisme ne saurait se comprendre en dehors du judaïsme. La dimension identitaire, présente dans le Sabbat, se retrouve, pour les chrétiens, toujours aussi présente dans ce « premier jour de la semaine ».

Yolande Girard

Chronique précédente :
Le lavement des pieds