Inscription en alphabet paléo-hébraïque où l’on peut lire le tétragramme YHWH (image © jw.org).

Yahvé parmi les dieux : des dieux multiples au Dieu unique

François DoyonFrançois Doyon | 14 octobre 2024

Dans l’Ancien Testament, Israël est-il vraiment monothéiste dès ses débuts, ou les récits bibliques révèlent-ils des traces d’un passé polythéiste plus complexe?

Dans l’Ancien Testament, bien que la religion d’Israël se développe historiquement comme un monothéisme, certains passages témoignent de traces de polythéisme ou, plus précisément, d’un monolâtrisme — c’est-à-dire la reconnaissance de l’existence d’autres dieux tout en exigeant la fidélité à un seul, Yahvé.

Voici quelques exemples de passages qui révèlent une coexistence avec des croyances polythéistes.

L’assemblée des dieux

Dieu se tient dans l’assemblée de Dieu ;
Il juge au milieu des dieux.
Jusques à quand jugerez-vous avec iniquité,
Et aurez-vous égard à la personne des méchants? Pause.
Rendez justice au faible et à l’orphelin,
Faites droit au malheureux et au pauvre,
Sauvez le misérable et l’indigent,
Délivrez-les de la main des méchants.
Ils n’ont ni savoir ni intelligence,
Ils marchent dans les ténèbres ;
Tous les fondements de la terre sont ébranlés.

J’avais dit : Vous êtes des dieux,
Vous êtes tous des fils du Très Haut.

Cependant vous mourrez comme des hommes,
Vous tomberez comme un prince quelconque.
Lève-toi, ô Dieu, juge la terre!
Car toutes les nations t’appartiennent.

(Psaume 82)

Ce passage présente Dieu (Yahvé) siégeant parmi les autres dieux, ce qui reflète l’idée d’un conseil divin. Le verset 1 dit : « Dieu se tient dans l’assemblée divine ; au milieu des dieux, il juge. » Ce texte suggère la reconnaissance de l’existence d’autres divinités, mais Yahvé est celui qui domine et juge ces autres dieux.

Après la traversée de la mer Rouge, Moïse chante : « Qui est comme toi parmi les dieux, ô Yahvé? ». (Exode 15,11) Cette question rhétorique ne nie pas l’existence d’autres divinités, mais exalte la suprématie de Yahvé parmi elles.

Le dieu supérieur à Yahvé

Quand le Très-Haut donna aux nations leur héritage, quand il sépara les humains, il fixa le territoire des peuples suivant le nombre des fils d’Israël. Car l’apanage du Seigneur, c’est son peuple ; et Jacob est sa part d’héritage. (Deutéronome 32,8-9)

Ce passage est intriguant. Il affirme d’abord que le Très-Haut distribue un héritage et mentionne que le Seigneur (Yahvé) reçoit une part d’héritage qui est Jacob, son peuple. C’est comme si le Très-Haut était une divinité distincte de Yahvé et qui lui est supérieure.

Ce texte est souvent discuté pour son témoignage d’une théologie polythéiste ancienne. Dans certaines versions, comme celle de la Septante et des manuscrits de Qumran, il est dit que « le Très-Haut assigna des nations à leurs héritiers ; quand il sépara les enfants d’Adam, il fixa les limites des peuples selon le nombre des fils de Dieu. Mais le lot de Yahvé fut son peuple ». Ce passage semble impliquer que Yahvé est l’un des fils d’une divinité suprême (El, dans certains contextes), chacun ayant reçu une nation en héritage.

Les fils de Dieu

En Genèse 6,1-4 se trouve le récit des « fils de Dieu » qui prennent pour épouses des « filles des hommes ». Ce texte a également été interprété comme une trace de mythologie polythéiste. Les « fils de Dieu » semblent désigner des êtres divins ou semi-divins.

La révélation progressive du monothéisme

L’Ancien Testament témoigne d’une transition progressive du polythéisme vers le monothéisme absolu. Au départ, Israël évolue dans un environnement polythéiste où plusieurs dieux sont vénérés. Yahvé est d’abord adoré exclusivement (monolâtrisme), sans nier l’existence d’autres dieux. Des textes comme le Psaume 82 montrent Yahvé siégeant parmi d’autres divinités. Cependant, après l’Exil babylonien, un monothéisme strict s’impose, affirmant que Yahvé est le seul Dieu, créateur et souverain universel (Isaïe 45,5). Ce développement se cristallise dans le Shema Israël (Deutéronome 6,4), marquant le triomphe d’un monothéisme influençant le judaïsme, le christianisme et l’islam : « Écoute, Israël : Yahvé est notre Dieu, Yahvé est Un ».

Cependant, cette révélation ne fut pas une rupture soudaine, mais une vérité qui s’est dévoilée lentement, à travers les vicissitudes de l’histoire et les expériences spirituelles d’un peuple. Et tout comme Israël a progressivement découvert l’unicité de Dieu, l’humanité continue, aujourd’hui encore, à approfondir ce mystère. La révélation est un chemin toujours en cours, où l’homme, confronté aux questions éternelles, découvre chaque jour un peu plus l’immensité de cette vérité divine, encore en train de se révéler à travers les âges.

François Doyon détient un doctorat en philosophie de l’Université de Montréal. Il est présentement doctorant en théologie à l’Université Laval (Québec).

Curieuse Bible

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La Bible comporte beaucoup d’éléments insolites, de passages obscurs, de détails cocasses. Il s’agit d’éléments parfois secondaires, mais qui font partie intégrante de la Bible et qui contribuent à sa richesse. Chrystian Boyer et ensuite Erwan Chauty et Sébastien Doane présentent dans cette chronique quelques-unes de ces curiosités de la Bible.