Papyrus Hamb. Graec. 1011 (image © The Gospel Coalition)

Un fragment de l’Évangile de l’enfance selon Thomas

Sylvain CampeauSylvain Campeau | 17 février 2025

Alors qu’ils travaillaient sur des fragments de papyrus non publiés de la Bibliothèque d’État et universitaire de Hambourg, deux chercheurs ont fait une découverte remarquable : le plus ancien texte connu de l’Évangile de l’enfance selon Thomas.

Le fragment mesure à peine 5 cm de large par 10 cm de haut. Il contient 13 lignes partielles écrites en lettres majuscules grecques. Les papyrologues Lajos Berkes et Gabriel Nocchi Macedo pensent que le fragment date de la fin du 4e ou du début du 5e siècle. Mais il reproduit un texte plus ancien dont l’origine remontre probablement au 2e siècle.

Il s’agit d’un fragment de texte apocryphe connu sous plusieurs noms : L’Évangile de Thomas l’Israélite ou Évangile du pseudo-Thomas aussi appelé Histoire de l’enfance de Jésus ou Évangile de l’enfance selon Thomas. Ce texte ne doit pas être confondu avec l’Évangile selon Thomas, un texte gnostique qui contient surtout des paroles de Jésus.

Jésus fait s'envoler les oiseaux d'argile

Jésus fait s’envoler les oiseaux d’argile devant ses camarades.
Œuvre évangélique de Klosterneuburg,  folio 28r., 14e siècle (Wikipédia).

Malgré l’état fragmentaire du papyrus, les chercheurs ont réussi à reconstituer le passage [1]. Il s’agit de l’épisode où l’enfant Jésus fait s’envoler des oiseaux d’argile après avoir été réprimandé. Voici une traduction du passage (2,1-5) de cet apocryphe chrétien :

Alors qu’il était un enfant âgé de cinq ans, Jésus était en train de jouer près du gué d’un ruisseau, et il faisait couler de l’eau, la dirigeant vers une flaque, afin de la rendre claire. Ensuite, il tira de la vase de l’argile molle en en façonna douze oiseaux. C’était alors le jour du sabbat et beaucoup d’enfants jouaient avec lui. Un Juif le vit en train de faire cela avec les enfants, et il alla vers Joseph son père et accusa Jésus en disant : « Il a fait de la boue et il en a façonné des oiseaux le jour du sabbat où il n’est pas permis de le faire. » Et Joseph, étant arrivé, le réprimanda en disant : « Pourquoi fais-tu un jour de sabbat ce qu’il n’est pas permis de faire? » Mais, l’ayant entendu, Jésus frappa des mains et fit s’envoler les passereaux en disant : « Allez, volez et souvenez-vous de moi, vous qui êtes vivants. » Et les passereaux s’envolèrent en poussant des cris. Ayant vu cela, le pharisien en fut étonné et alla le raconter à ses amis [2].

On peut sourire en lisant cette histoire et se demander pourquoi les premiers chrétiens ont écrit de tels textes. En y regardant de plus près, on peut faire un parallèle entre cet épisode des oiseaux d’argile qui deviennent vivants et le récit de la Genèse où Dieu façonne les premiers humains avec de la glaise en leur insufflant ensuite la vie. Si ce genre de récit n’est pas historiquement fiable, on doit admettre qu’il nous renseigne sur la réflexion des premiers chrétiens à une époque d’intense activité littéraire où le canon du Nouveau Testament n’était pas encore fixé.

Diplômé en études bibliques (Université de Montréal), Sylvain Campeau est responsable de la rédaction.

[1] Lajos Berkes et Gabriel Nocchi Macedo, « The Earliest Manuscript of the So-called Infancy Gospel of Thomas: editio princeps of P.Hamb. Graec. 1011 », Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik 229 (2024) 68-74.
[2] Sever J. Voicu, « Histoire de l’enfance de Jésus », Écrits apocryphes chrétiens 1, Gallimard, 1997, p. 197-198.

Archéologie

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Initiée par Guy Couturier (1929-2017), professeur émérite à l'Université de Montréal, cette chronique démontre l'apport de l'archéologie à une meilleure compréhension de la Bible. Au rythme d'un article par mois, nos collaborateurs nous initient à la culture et à l'histoire bibliques par le biais des découvertes archéologiques les plus significatives.