La Transfiguration (détails). Pierre Paul Ruben, 1605.
Huile sur toile, 407 x 670 cm. Musée des Beaux-Arts de Nancy (Wikipédia).

Une voix dans la nuée

Ghislaine SalvailGhislaine Salvail | 2e dimanche du Carême (B) – 25 février 2024

La Transfiguration : Marc 9, 2-10
Les lectures : Genèse 22, 1-2.9-13.15-18 ; Psaume 115 (116b) ; Romains 8, 31b-34
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

La Transfiguration du Christ est au cœur des récits évangéliques. Cet épisode est un récit-sommet où pour la première fois est partiellement dévoilée l’identité véritable de Jésus, Fils de Dieu. La révélation définitive de ce mystère se fera à la lumière de la Résurrection au matin de Pâques.

Remarquons que la nuée est souvent employée comme symbole de la manifestation de Dieu. À la fois opaque et lumineuse, elle laisse seulement pressentir le mystère de la présence divine. Elle est un élément utilisé pour les théophanies tant dans l’Ancien Testament que dans le Nouveau (Exode 13,21 ; Marc 9,7 ; 1 Corinthiens 10,1ss).

L’espace d’un moment, Jésus lève le voile sur son identité. Moment précieux au cours duquel les trois témoins saisissent, de manière encore limitée, que Jésus accomplit toute l’histoire du salut, représentée par Moïse (la Loi) et Élie (les prophètes).

La voix du Père

Le récit de la Transfiguration contient de nombreux enseignements. Nous ne pouvons, en  quelques lignes les épuiser tous, mais prenons le temps d’approfondir les paroles du Père concernant le Fils : Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Ce Fils est celui que l’amour paternel nous donne. Cette filiation est révélée dans la gloire de la nuée. Gloire qui nous est conférée par le baptême. En effet, le baptême nous unit et nous fait participer au Christ glorieux. Si nous communions à sa mort par nos souffrances, déjà nous communions à sa résurrection qui nous transfigure. La Résurrection donne une dimension d’éternité même à nos épreuves d’ici-bas et nous rend plus que jamais filles et fils de Dieu. Elles sont mises sur notre chemin non pas pour nous faire trébucher mais pour nous rendre plus forts, pour nous aguerrir sur la route du Royaume.

Des êtres de passage

Nous sommes  des irréductibles du bien-être et du confort. Aussitôt que nous nous sentons à l’aise, l’envie nous prend de dresser nos tentes, de ne plus bouger, de nous installer. Nous prenons le relais ou la halte routière pour le but du pèlerinage. Nous perdons facilement de vue cette inéluctable certitude que nous ne sommes que des êtres de passage.

Une tente pour demeurer

Pierre ne fait pas exception. De bute en blanc il propose à Jésus de camper définitivement dans la lumière fulgurante qui inonde le sommet du mont Thabor. Il se voit dans le Royaume avec son ami Jésus et les deux célèbres prophètes Moïse et Élie. Il est vrai que Marc, avec son franc parler habituel, note que Pierre ne savait que dire tant était grande sa frayeur (Mc 9, 6). Une façon charitable de nous dire, en somme, que Pierre est dans tous ses états et que cela le fait divaguer. Avouons que nous aurions peut-être été encore plus incohérents devant l’ampleur du phénomène d’une voix qui se fait entendre de la nuée.

Vers une autre montagne

Mais voilà que le Jésus resplendissant de lumière que Pierre, Jacques et Jean ont reconnu il y a instant, se retrouve debout devant eux avec ses vêtements de tous les jours. Ils sont seuls avec leur ami, le Fils bien-aimé du Père. Ils devront incessamment quitter la montagne lumineuse pour continuer la route qui serpente dans la plaine. Ils ignorent que bientôt ils graviront une autre montagne : celle du Golgotha. Ils apprendront dans la souffrance combien elle est abrupte. Aussi la plupart s’arrêteront à mi-côte… Jésus, lui, se rendra librement au sommet. Seul. La nuée se changera en lourds nuages. Et sous ce ciel bas et lourd, un homme, le Fils de Dieu le Père, sans vêtements, dépouillé et nu sera pendu à une croix. Plus question de dresser une quelconque tente pour veiller celui qui agonise. Car la peur est toujours là. Mais elle fait agir autrement cette fois. Au lieu de les figer sur place, elle fait fuir les amis les plus chers.

Lorsque la lumière jaillira, dans le plus beau matin du monde, ce sont des cœurs meurtris et douloureux qui en seront inondés. La joie sera grande car les grands bonheurs surgissent souvent après des malheurs sans nom.

La Transfiguration du Christ s’inscrit à l’avance dans l’éblouissant soleil de Pâques. Elle nous apprend que le repos éternel est toujours précédé d’une rude et longue traversée du désert.

Sœur Ghislaine Salvail SJSH était membre de SOCABI et rédactrice pour le Feuillet biblique pendant plusieurs années.

Source : Le Feuillet biblique, no 2835. Première parution le 23 février 1997 (FB no 1656). Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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