Le roi David. Enluminure d’un psautier enluminé par Ricciardo di Nanni à Florence, en 1460 (Lionel Allorge / Wikimedia).

Tous les cris, les S.O.S. : le Psaume 107 (106)

Jean GrouJean Grou | 27 mai 2024

Lire le psaume (version liturgique)

Il est étonnant que le Psaume 107 (106) n’apparaisse que trois fois dans le lectionnaire de l’Église catholique. Il évoque pourtant des situations bien concrètes de la vie dans laquelle nous pouvons tous et toutes nous reconnaître, au moins de manière symbolique. Alors, allons à sa découverte!

Action de grâce

Le contexte d’origine de ce psaume ne fait pas tellement de doute. Selon toute vraisemblance, il s’agit d’une liturgie d’action de grâce composée après le retour du peuple juif à Babylone. Le premier verset lance en effet une invitation à rendre grâce et la suite (v. 2-3) en donne le motif : le Seigneur a rassemblé « les rachetés […] de tous les pays, du nord et du midi, du levant et du couchant ». Autrement dit de l’autre bout du monde.

Un plan clair

La structure du Psaume 107 (106) est assez simple à établir :

  • Introduction (v 1-3) : invitation à la louange pour le Seigneur qui apporte la liberté ;
  • Expositions de cas (v. 4-32) : quatre situations apparemment désespérées qui connaissent une issue heureuse grâce à une intervention divine ;
  • Conclusion (v. 33-43) : enseignement à tirer de ces quatre cas.

Chacune des situations exposées dans les versets 4 à 32 se présentent selon la même séquence :

  • Des gens affrontent une épreuve potentiellement mortelle ;
  • « Dans leur angoisse, ils ont crié vers le Seigneur, et lui les a tirés de la détresse. » Cette phrase revient dans les quatre cas, comme un refrain ;
  • Invitation à rendre grâce au Seigneur pour ses merveilles.

Errance dans le désert

Les versets 4 à 9 évoquent le cas de « certains [qui] erraient dans le désert ». À une époque où les cartes routières et les instruments de géolocalisation (GPS) n’existent pas, les risques de se perdre dans une région désertique sont bien réels. Rien ne ressemble davantage à une colline qu’une autre colline! Cela dit, même si, de nos jours, nous pouvons compter sur la technologie qui nous permet de nous orienter avec plus de précision que jamais, combien de nos contemporains ont l’impression d’errer sans but, que leur vie est devenue aussi aride que le Sahara?

Le poids des jours

Le deuxième cas évoqué (v. 10-20) est celui de gens emprisonnés, privés de leur liberté, et même soumis à des travaux forcés. Le psaume précise la raison d’une telle épreuve : « Ils avaient bravé les ordres de Dieu et méprisé les desseins du Très-Haut. » On voit poindre ici la logique rétributive qui sous-tend l’ensemble de la théologie dans l’Ancien Testament : quiconque respecte la loi divine sera comblé de bénédictions ; celui qui l’enfreint s’attire le malheur. Dans la réalité, ce n’est évidemment pas aussi simple ; quelques écrits bibliques s’emploient à le démontrer, au premier chef le livre de Job. Reste que chacun de nous peut connaître des passages à vide, des épisodes d’enfermement sur soi, où on a l’impression d’être abandonné de tous, y compris de Dieu. Sans offrir de solution miracle, le psalmiste ose proposer que crier son angoisse vers le Seigneur peut ouvrir une petite brèche dans la prison des « ténèbres mortelles » pour laisser filtrer une lumière inespérée…

« Aux portes de la mort »

Le troisième cas (v. 17-18) paraît en continuité avec le deuxième. En effet, il est question ici aussi d’un profond malaise, cette fois attribué au péché, ce qui renvoie de nouveau à la logique de la rétribution. Une facette de la description de l’épreuve est on ne peut plus concrète : « Ils avaient toute nourriture en dégoût » au point où « ils touchaient aux portes de la mort ». Cette expérience ne rappelle-t-elle pas un des symptômes de la COVID-19 : une grave altération du goût? Les personnes qui en ont souffert n’ont probablement pas frôlé la mort en raison de la difficulté à s’alimenter, mais leur qualité de vie en a été gravement affectée. Au-delà des ennuis d’ordre physique, on peut aussi reconnaître dans ces propos du psaume la pauvreté ou le manque de nourriture spirituelle qu’il peut nous arriver tous et toutes d’éprouver. Encore une fois, sans proposer de remède magique, le psalmiste nous invite à ne pas oublier que le Seigneur est attentif à nos cris de détresse.

Dans la tempête

Le quatrième cas (v. 23-27) nous plonge en pleine tempête : des marins exerçant simplement leur métier se retrouvent en péril en raison d’« un vent qui soulève les vagues ». Encore ici, la description de l’épreuve est d’un remarquable réalisme : « Ils étaient malades à rendre l’âme ; ils tournoyaient, titubaient comme des ivrognes. » Pas besoin de chercher bien loin pour établir des parallèles avec des situations actuelles. Tout le monde est, un jour ou l’autre, soumis à des « tempêtes », des vents contraires qui font perdre le nord et mettent en danger la santé physique, mentale ou spirituelle. Le mot d’ordre qui résonne est le même : n’hésitons pas à laisser monter un cri de détresse vers le Seigneur!

Sagesse et reconnaissance

En guise de conclusion (v. 33-43), l’auteur s’appuie sur les quatre cas décrits ci-dessous pour livrer un enseignement sur l’expérience du salut divin en général : malgré les apparences, Dieu n’est pas indifférent au sort des êtres humains. Au contraire, il relève les accablés, délivre les prisonniers, calme les tempêtes et fait jaillir l’eau dans le désert. Cela dit, sa manière d’agir ne correspond pas toujours à ce que nous imaginons ou souhaitons. D’où l’importance d’avoir la sagesse de le discerner et de savoir exprimer notre reconnaissance.

Le titre de l’article est un clin d’œil à la chanson de Daniel Balavoine « Tous les cris, les S.O.S » interprétée ici par Marie Denise Pelletier.

Jean Grou est bibliste et rédacteur en chef de Vie liturgique et Prions en Église.

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Trésors de la prière juive et chrétienne, les psaumes n'en demeurent pas moins des textes qui demandent parfois d'être apprivoisés. Cette chronique propose une initiation aux psaumes et à la prière avec les psaumes.