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Comprendre la Bible
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chronique du 13 avril 2012
 

Le serpent : symbole du mal ou de la résurrection ?

Le serpent d'Airain

Le serpent d'Airain
Petrus Comestor, Bible historiale, 1372
Enluminure, 6,9 x 6,8 cm
Meermanno Koninklijke Bibliotheek, La Haye

(Notice Utpictura18)

QuestionComment le serpent peut être un symbole de résurrection chez les premiers chrétiens? La Bible en fait plutôt le symbole du diable tentateur (Gn 3,1s), le dragon, ou antique serpent (Ap 12,9), père du mensonge (Jn 8,44), du péché et de la mort (He 2,14). (Anonyme)

RéponsePour bien argumenter, il ne suffit pas d’aligner tous les emplois d’un même mot; l’important est de distinguer les plans et les niveaux de sens et de ne pas tout mélanger. À partir du sens propre ou du sens premier d’un mot, on peut utiliser ce même mot dans des sens seconds ou figurés. Le sens symbolique s’enracine sur le sens premier d’un mot ou d’un concept en opérant un saut de niveau. Ainsi, à partir de l’eau qui lave, l’intuition symbolique déduit le baptême, qui lave à un autre niveau. À partir d’une aile d’oiseau, on évoque la liberté, etc.

     Dans le cas qui nous occupe, le serpent, il faut distinguer ses emplois au sens propre et ses emplois au sens figuré, c’est-à-dire quand le texte veut référer à un vrai serpent, le reptile que nous connaissons tous, ou quand le texte l’entend déjà d’un sens second.

     Au sens propre, il y a plusieurs textes bibliques qui parlent du serpent. Par exemple  : « Lui [Dieu] qui t’a fait passer à travers ce désert grand et redoutable, pays des serpents brûlants, des scorpions et de la soif » (Dt 8,15);  « Sa voix [l’Égypte] est comme le bruit du serpent qui siffle » (Jr 46,22).

     Au sens figuré, le mot sert pour des métaphores (qui ne sont pas des symboles). C’est ainsi que les monstres mythiques des théogonies anciennes sont souvent représentées comme des serpents. Dans la Bible, il y a des traces de cela pour Léviathan (Is 27,1; Jb 3,8; 40,25; Ps 74,14; 104,26) et d’autres monstres semblables (Rahab, Béhémoth, etc.). Dans le récit de Genèse 3, le texte ne dit jamais que le serpent tentateur est le diable. Cette identification vient de la tradition tardive (1 Jn 3,8-10). De même le récit de Nombres 21 ne s’applique au Christ que dans un sens second. Cela montre que l’animal, le serpent, comporte des potentialités réinterprétatives. Il fait peur, il est souvent venimeux, il approche sans être vu, il « lève le cœur », etc.

     Le sens symbolique, lui, se greffe sur ces sens pour opérer un saut qualitatif. C’est ainsi que le serpent, parce qu’il change de peau, a souvent été utilisé par les Pères de l’Église, surtout les apologètes des IIe et IIIe siècles, pour expliquer la résurrection aux païens. Ce symbolisme n’est pas biblique.

     Quand on rencontre un même mot dans les textes, bibliques ou non, il faut d’abord se demander à quel niveau l’auteur se situe. Le contexte ou une lecture attentive aident habituellement. Si on omet cette simple opération, on fait dire n’importe quoi aux textes et on rend plus difficile leur réinterprétation subséquente.

Hervé Tremblay

Lire aussi :

La mauvaise réputation du serpent (Hervé Tremblay)
Le serpent de la Genèse et sa symbolique (Hervé Tremblay)
Le serpent d’Airain (Thomas Hentrich)
Le serpent en Orient et dans la Bible (Frédéric Manns)

Article précédent :
Le travail du charpentier