Rahab. Jessica Haupt, 2019 (ArtStation).

12 récits de femmes de la Bible

Renaude GrégoireRenaude Grégoire | 20 novembre 2023

Comme l’an dernier, je vous propose quelques pistes de réflexion à la lumière de 12 récits de femmes de la Bible. Pendant les 12 jours d’action contre les violences faites aux femmes, du 25 novembre au 6 décembre, une courte réflexion quotidienne vous est proposée.

25 novembre : Les veuves

Les veuves sont parmi les personnes les plus vulnérables. Elles « sont des proies » (Isaïe 10,2) pour les exploiteurs. Elles sont souvent humiliées (Isaïe 54,4), opprimées et à grands risques d’être en état d’esclavage même dans leur famille. Isaïe souligne avec justesse : ils n’entendent pas la cause des veuves (1,23). Les appels du Seigneur de ne pas maltraiter les veuves – ainsi que les orphelins et les étrangers – sont constants dans la loi et chez les prophètes. « Défendez la veuve », dit le Seigneur (Isaïe 1,17). Jésus dénoncera les maitres de la Loi qui, après leurs longues prières, « dévorent la maison des veuves. » (Luc 20,47) Même dans l’Église primitive, les veuves sont reléguées dans le service quotidien (Ac 6,1).

26 novembre : Deux résistantes à la violence du Pharaon

Le récit de la résistance de deux femmes égyptiennes est parvenu jusqu’à nous (Exode 1,15-22). Alors que le Pharaon veut contrôler le peuple hébreu esclave, en faisant tuer les nouveaux-nés mâles, Chifra et Poua refusent d’entrer dans cette logique de mort. Or, lorsque le Pharaon s’aperçoit qu’elles laissent vivre les nouveaux-nés mâles, il demande des comptes. Comment justifier sa résistance devant la violence de Pharaon. La réponse astucieuse et rusée au Pharaon par Chifra et Poua est remarquable de simplicité : les femmes hébreux sont tellement vigoureuses que l’accouchement va vite, si bien que les deux sages femmes arrivent trop tard!

27 novembre : Anne, la femme souffrante

Être une femme stérile est l’un des pires malheurs que peut vivre une femme dans la culture biblique. L’histoire de Anne en révèle toute la souffrance et l’humiliation (1 Samuel 1,1-20). Sa souffrance est d’autant plus grande que son mari a des enfants avec sa seconde épouse ; celle-ci ne fait qu’augmenter la peine de Anne. Dans la maison du Seigneur, Anne est prise pour une femme de rien, une ivrogne, alors qu’elle épanche son cœur devant Yahvé. Ce récit trouve un écho aujourd’hui dans toutes les souffrances des femmes qui sont ignorées, mal jugées, par les familles et aussi par les autorités religieuses. Combien de femmes prient dans le secret, n’ont que le Seigneur à qui confier leur peine mais aussi leurs rêves et leurs espoirs?

28 novembre : Les vœux des femmes peuvent être annulés

Une série de loi est établie pour ce qui est des vœux formulés par les femmes et les filles (Nombres 30). Si un père ou un mari désapprouve le vœu, celui-ci n’a plus de valeur. Il est cassé! Il est annulé! Cela semble une prescription ancienne, mais dans plusieurs sphères de leur vie, des femmes voient leurs désirs et les rêves cassés par le patriarcat, le racisme, le sexisme, les inégalités nourries par l’économie, les règles sociales et religieuses.

29 novembre : Le silence imposé aux femmes

Il a fait bien couler d’encre et fait beaucoup de chemin ce verset de Paul de la première épitre aux Corinthiens : Que les femmes se taisent dans les Églises. Leur rôle n’est pas de prendre la parole, mais d’obéir, comme il est dit dans la Loi (14,35). Certains commentaires bibliques signalent que l’imposition du silence n’est pas liée au sexe des membres de l’assemblée. Or en y regardant de plus près, Paul demande que l’on se taise si on ne sait pas interpréter le parler en langues ou si on n’a pas quelque chose de constructif à apporter dans l’assemblée. Mais ce n’est pas ce qui a été retenu et ce qui est toujours retenu malheureusement : les femmes ne doivent pas parler dans l’assemblée. Or dans la pratique, l’Église se prive des richesses de discernement, de compassion, de réflexion et de la foi des femmes.

30 novembre : Rahab, prise entre deux feux

Rahab se trouve dans une situation de prostitution, résiste aux ordres du roi de Jéricho en cachant les espions israélites et leur permet d’échapper à ceux qui les poursuivent (Josué 2,1). Elle demande de passer un accord avec eux : être épargnée si Josué prend la ville. Et c’est ce qui va arriver. Elle sera épargnée sans pouvoir sortir de sa situation de survie par la prostitution. Des femmes prostituées du Brésil se sont reconnues dans ce personnage de la bible pour rendre compte de leur condition de femme en se disant « les filles de Rahab ».

1er décembre : Dinah, violée

Dinah, fille de Léa et de Jacob est violée par Sichem (Genèse 30,21). Après des tractations, deux frères de Dinah vont venger cet affront. Jacob sera en colère devant les gestes de ces deux fils et ne pensera qu’à son pouvoir et sa réputation, ainsi qu’à la possibilité de se faire exterminer. Siméon et Lévi, les frères de Dinah auront une autre vision ; ne pas laisser leur sœur Dinah être vue comme une prostituée.

2 décembre : L’horreur à son comble

Ce récit sur une concubine livrée à des hommes et le fait que son corps a été dispersé dans les 12 tribus d’Israël est sans doute le summum de la violence faite aux femmes dans les textes bibliques (Juges 19). Or, ici, il ne s’agit pas d’une chronique policière ou du style de l’émission Investigation. Si ce récit a sa place dans la Bible, c’est qu’il dénonce cette façon de faire. Encore aujourd’hui, il faut dénoncer la violence faite aux femmes.

3 décembre : Les femmes esclaves

Lorsque nous lisons ces textes bibliques sur les règles concernant les esclaves (par exemple Exode 21,7-11), on se dit que c’est chose du passé. Or l’esclavage n’est pas chose du passé. Il sévit aussi chez nous. En septembre dernier, en visite au Canada, un représentant des Nations Unies sur les formes contemporaines d’esclavage a entendu des témoignages clairs, entre autres, de femmes africaines qui ont été réduites à l’état d’esclavage dans des élevages d’ici (travail forcé et harcèlement sexuel). Il y aussi des témoignages de femmes autochtones. Lisez le récit de Sierra sur le site web de Radio-Canada. 

4 décembre : Des filles exclues de l’héritage

Lisez Nombres 27,1-7. Ce récit biblique se termine positivement : les quatre filles ont été reconnues comme pouvant recevoir l’héritage de leur père qui n’avait pas de fils. Il laisse voir aussi que les filles sont exclues de l’héritage et bien que Moïse ait modifié la loi, il n’est pas sûr que cela a été mis en pratique. Encore aujourd’hui, des femmes et des filles ne pourront jamais avoir part à l’héritage des hommes de leur famille ou de leur clan. Un héritage important échappe à des milliers de femmes dans le monde : la propriété de la terre, un toit pour d’autres.

5 décembre : Les femmes fidèles jusqu’au bout

Témoins de la mort de Jésus, les femmes préparent les aromates de grand matin (Luc 24,10). Ce sont Marie de Magdala, Jeanne, et Marie mère de Jacques ainsi que d’autres femmes qui étaient avec elles. Leur volonté de préparer les aromates et la myrrhe et leur action de se rendre au tombeau se doivent d’être soulignée. Elles avaient suivi Jésus depuis la Galilée… elles veulent aller jusqu’au bout.

6 décembre : Abigail, femme de paix

Abigail veut éviter un bain de sang et pour cela, elle espère convaincre le roi David de ne pas se venger car les messages de David ont été mal reçus par son mari Nabal (1 Samuel 25). Futée, elle part avec une caravane de victuailles (200 pains, des mets avec de l’agneau, du vin, des grappes de raisin, du gâteau). Elle rencontre David et lui demande de ne pas tenir compte de la brute qu’est son mari. Elle offre aussi les cadeaux qu’elle apporte. Sa démarche porte fruit, David renonce à se faire justice lui-même. Des femmes investies dans la paix à tous les niveaux possibles : voilà une condition pour que la paix soit une vraie option et non pas, par défaut, une absence de guerre.

Renaude Grégoire est engagée dans des réseaux de justice sociale depuis une vingtaine d’années. Elle collabore à divers projets de justice sociale, de paix et de protection de l’environnement.

Hammourabi

Justice sociale

Les textes proposés provoquent et nous font réfléchir sur des enjeux sociaux à la lumière des Écritures. La chronique a été alimentée par Claude Lacaille pendant plusieurs années. Depuis 2017, les textes sont signés par une équipe de collaborateurs.